2002
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Protée ; vol. 30 no. 2 (2002)
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David Scott, « L’image ethnographique : le timbre-poste colonial français africain de 1920 à 1950 », Protée, ID : 10.7202/006730ar
Cet article affronte l’ambiguïté de l’image ethnographique en prenant comme base le riche corpus fourni par le timbre-poste colonial français de l’entre-deux-guerres. Le timbre offre un champ privilégié d’analyse dans la mesure où l’appropriation d’une image de la vie authentique indigène active un processus de re-présentation de l’objet – son encadrement dans une forme lisible par le récepteur européen –, analogue au processus de transcription ethnographique, où les éléments de la culture étudiée sont intégrés et enregistrés suivant des schémas étrangers à leur nature. Une analyse du timbre, en dégageant ses fonctions à la fois indiciaires et iconiques, révèle une tendance à se structurer en couches sémiotiques, en une superposition de signes, qui se prêtent à une certaine manipulation idéologique. En plus, la compartimentation de la réalité protéiforme indigène par la forme du timbre devient l’instrument d’une appropriation plus générale. Le timbre-poste se transforme en porte-objet microscopique, dans le cadre duquel des aspects de la vie indigène se profilent comme des spécimens ethnographique ou zoologique. La vie et la culture indigènes sont ainsi soumises à une gamme d’optiques dont tous sont hégémoniques parce que saisis du point de vue de la puissance européenne colonisatrice.