2004
Ce document est lié à :
Tangence ; no. 76 (2004)
Tous droits réservés © Tangence, 2004
Jean-François Vallée, « L’étrangeté sans qualités : le cas de Robert Musil », Tangence, ID : 10.7202/011215ar
La notion centrale d’« absence de qualités » (Eigenschaftlosigkeit) dans le grand roman inachevé de Robert Musil permet de mettre en relief trois modalités différentes d’appréhension du sentiment d’étrangeté (Fremdheit) chez l’auteur de L’homme sans qualités. La première modalité se rattache au regard « scientifique » ou « ratioïde » qui domine la perspective ironique du héros Ulrich dans la première partie du roman. La seconde permet, quant à elle, de tracer les contours de la sphère « non ratioïde » de la « mystique diurne » explorée par Ulrich et sa soeur Agathe dans leur quête de l’utopie de l’Autre État qui constitue le fondement du deuxième volume. Cependant, au-delà de ces deux territoires bien arpentés par la critique musilienne, on peut identifier — du moins si l’on observe attentivement les derniers textes rédigés ou retravaillés par Musil — l’émergence d’une troisième modalité d’appréhension de l’étrangeté à soi et au monde.