2006
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Cinémas : Revue d'études cinématographiques ; vol. 16 no. 2-3 (2006)
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Alain Ménil, « Image-mouvement, image-temps et plan ouvert », Cinémas: Revue d'études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, ID : 10.7202/014619ar
On réduit parfois les concepts opératoires que sont l’image-mouvement et l’image-temps à de simples étiquettes qui devraient renvoyer à des âges distincts du cinéma. Cet effet de lecture produit par la publication en deux temps, deux volumes, de l’ensemble consacré au cinéma par Deleuze traduit sans doute des hésitations de sa part, notamment dans l’articulation qu’il établit entre les termes d’une histoire du cinéma et les concepts propres à une logique de la perception. Mais il conduit surtout à en fausser singulièrement la perspective, comme à ne pas en voir l’intérêt. Une lecture plus attentive des références cinématographiques avancées par Deleuze en ce qui a trait à l’image-temps doit nous inviter à nous méfier de la symétrie que nous voudrions voir établie entre le diptyque conceptuel proposé pour l’image filmique, et une coupure effectuée à partir d’une chronologie offerte par l’Histoire du cinéma (et qui conduit à opposer un cinéma « classique » à un cinéma « moderne »). Pour nous libérer de cette confusion entre des termes utilisés dans une perspective ordonnée par un souci purement historique et les enjeux propres à une analytique des images, la notion de plan ouvert pourrait à cet égard se révéler décisive, en renouant avec une thématique qui parcourt en profondeur l’analyse deleuzienne : la « pensée du cinéma » et le « bergsonisme » profond de ce dernier. Elle nous aide en effet à comprendre l’articulation entre les deux concepts et à mieux saisir leurs effets proprement esthétiques. Le concept de plan ouvert permet ainsi d’investir d’une façon nouvelle la « pensée du cinéma » qui gouverne l’approche deleuzienne. Des exemples spécifiques d’écriture cinématographique empruntés à des auteurs différents (Altman, Duras, Resnais, Syberberg, Welles et Wenders, notamment) permettent d’en déterminer quelques-uns des aspects.