Philippe Jaccottet : le souffle et le chant de l’absence

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2007

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Études françaises ; vol. 43 no. 3 (2007)

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Seiji Marukawa, « Philippe Jaccottet : le souffle et le chant de l’absence », Études françaises, ID : 10.7202/016906ar


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Cet article traite de la problématique de l’absence et de sa figuration dans l’oeuvre de Philippe Jaccottet sous l’inspiration philosophique et psychanalytique, à partir du motif du souffle que le poète privilégie dans les années soixante, notamment dans quelques poèmes, notes et textes en prose. Le souffle comme principe animateur mis en valeur par la tradition mystique, religieuse et philosophique est doté d’une signification autre chez les poètes contemporains comme Jaccottet, Celan ou Du Bouchet : support inaperçu de la voix et de l’écriture, il donne forme au vide et au silence. Imperceptible et invisible, ce motif représente le cliché du sujet « je » en retrait sur la scène énonciative, voire celui de Dieu s’absentant du monde, condamnant les poètes au désoeuvrement. Il hante ces paysages avec figures absentes comme le spectre du Dieu de la religion et de la métaphysique. Dans les textes en prose, le souffle assure l’échange intime entre le corps du dedans et l’air ambiant, entre le moi et le non-moi, voire entre le passé et le présent, menant le poète à une sorte d’inconscient cosmique, de rêve de fusion avec l’extérieur — que semblent également indiquer l’Empédocle hölderlinien ou l’Ouvert rilkéen. Il s’agit d’un oubli de soi ek-statique, moment que Jaccottet a aussi appelé « l’expérience poétique », dont une des reliques serait le contact avec la puissance du chant pouvant encore insuffler l’âme et réunifier le corps, dont le pouvoir est dit transformer l’invisible en le visible, faire articuler le rythme à la figure. La proximité de la poésie avec la musique est repensée à leur origine : appel d’un absent à l’aide d’un souffle et d’un amplificateur, et dont la voix traverse l’espace et atteint l’autre. Ainsi, le chant poétique tente de convertir le deuil du divin et des mystères en l’amorce d’un concert de vocables et de cadences, comme semble en témoigner la démarche même de Jaccottet.

This article proposes to explore the important problem of absence and its representation in the works of Swiss poet Philippe Jaccottet from a viewpoint inspired by philosophical and psychoanalytic approaches, focusing first on the theme of breath, frequently used by the poet in the 1960’s, especially in some poems, notes and prose works. The life-giving role of breath emphasized by the mystic, religious and philosophical tradition has another meaning for the contemporary poets like Jaccottet (or Du Bouchet, Celan, etc.): unnoticed support of voice and writing, somehow modeling emptiness and silence. Imperceptible and invisible, this motif represents the negative of the subject I withdraw from the enunciative scene, or even that of the deity absent from the world, destining poets to idleness. The breath haunts his Landscapes with absent figures like a ghost of the God of religion or metaphysics. In the prose works of Jaccottet, breath assures an intimate exchange between the inside body and the surrounding air, I and not-I, even the past and the present, leading the poet to a sort of cosmic unconsciousness or a desired fusion with the external world—an experience analogous to that of Hölderlin’s Empedocles or Das Offne (aperture) of Rilke. That is also a moment of ek-stacy Jaccottet once called “the poetic experience’’, and one of its relics is contact with the power of the singing voice, which inspires the soul and rejoins the fragmented body, thereby changing the invisible into the visible, and giving form to rhythm. The close relationship of poetry to music is reconsidered at their very origin: the call of an absentee with breath passing through an amplifier whose sound traverses space and attains the other. Thus the poetry-song tries to convert the mourning of gods and of mysteries into the beginning of the concert of syllables and of cadence, as this poet’s process of writing attests.

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