2008
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Philosophiques : ; vol. 35 no. 1 (2008)
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Anne Reboul, « L’ironie auctoriale : une approche gricéenne est-elle possible ? », Philosophiques, ID : 10.7202/018234ar
Grice a proposé une analyse de l’ironie fondée sur les implicatures, selon laquelle les énoncés ironiques produisent une implicature par antiphrase. Cette thèse, qui suit l’analyse rhétorique classique, la transpose simplement du registre sémantique au pragmatique, ce qui ne suffit pas à répondre à la question de savoir comment l’auditeur saisit l’interprétation par antiphrase, ou pourquoi le locuteur dit une chose quand il signifie l’inverse. L’analyse antiphrastique ne dit pas non plus comment on doit rendre compte des énoncés ironiques qui ne sont pas des assertions. Les analyses contemporaines de l’ironie, comme celles de Sperber et Wilson en termes d’écho, et de Currie — en termes de feintise —, ne rencontrent pas les mêmes difficultés. On les présente en général comme capables de rendre compte des cas « centraux » d’ironie et comme incompatibles entre elles.Dans le présent article, je montre que les deux analyses s’appliquent au même ensemble d’exemples et qu’en fait certaines critiques de Currie contre l’analyse échoique ne sont pas valides. De plus il y a un ensemble d’exemples d’énoncés ironïques que l’on ne peut pas analyser en termes de feintise. Donc aucune des deux analyses n’est assez générale. Pour finir, je propose une analyse selon laquelle les énoncés ironiques montrent (plutôt qu’ils ne disent) un comportement, une croyance ou un raisonnement déraisonnable, et je plaide pour une analyse gricienne, basée non pas sur l’implicature par antiphrase, mais sur la signification non naturelle et la reconnaissance de la double intention du locuteur. Cette analyse est compatible avec l’analyse échoïque et avec celle en termes de feintise, tout en étant plus générale.