2008
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Relations industrielles ; vol. 63 no. 4 (2008)
Tous droits réservés © Département des relations industrielles de l'Université Laval, 2008
Geoffrey Wood et al., « The Challenges Facing the South African Labour Movement : Mobilization of Diverse Constituencies in a Changing Context », Relations industrielles / Industrial Relations, ID : 10.7202/019542ar
Il existe une littérature abondante et croissante sur le rôle et l’influence des syndicats dans les pays en voie de développement et sur leur habileté à mobiliser leurs membres dans un arrière-plan de réformes néolibérales et de restructuration industrielle (Barchiesi et Kenny, 2002 ; von Holdt et Webster, 2008). Le mouvement syndical sud-africain représente une source d’inspiration pour le monde du travail organisé à travers la planète, mais il a dû faire face à bien des défis au cours des ans. Les objectifs principaux de cet essai se veulent une évaluation des défis politiques et économiques auxquels fait face le mouvement syndical sud-africain, une analyse critique des débats actuels sur la solidarité et la démocratie, un questionnement des conclusions d’une enquête à l’échelle nationale auprès des membres du Congrès des syndicats sud-africains (COSATU), tout cela en vue de reconnaître les fondements d’une mobilisation effective, d’évaluer dans quelle mesure il y a eu une fragmentation selon le sexe, l’âge, le niveau d’habileté et l’ethnicité, en vue de procéder à une réflexion sur les implications pour les syndicats sud-africains et le mouvement ouvrier dans son ensemble.Même dans l’environnement profondément hostile des années 1970, la décennie où les syndicats indépendants ont fait leur apparition, il a été possible d’infléchir les politiques publiques, en cheminant vers une démocratisation complète de la politique. On possède cependant une certaine preuve à l’effet qu’au début des années 2000, les syndicats ont connu un affaiblissement de leur position : l’effectif syndical du secteur manufacturier a diminué, alors qu’on connaissait des pertes d’emploi de grande envergure dans ce même secteur (voir Makgetla et Seidman, 2005 ; Barchiesi et Kenny, 2002) et les représentants syndicaux élus se sont progressivement éloignés des préoccupations réelles de la base ouvrière. De plus, la démocratie au sein même de la fédération est devenue moins efficace, ce qui se reflétait dans les débats internes et dans la prolifération des syndicats cherchant à se désaffilier (Rachleff, 2001).En demeurant dans ce contexte, cet essai analyse les fondements de la mobilisation au sein du COSATU, en retenant les caractéristiques des travailleurs, telles que le sexe, l’âge, le niveau d’aptitudes et l’ethnie, puisqu’elles ont déjà été signalées comme causes éventuelles de clivages au sein du mouvement ouvrier (Berger, 1992 ; Hyman, 1992 ; Moody, 1997 ; Wood et Psoulis, 2001 ; Clarke, 2004 ; Isaacs, 2006). Les conclusions mettent en évidence la continuité d’une forte solidarité interne, un engagement soutenu de la part des membres et une volonté de s’engager dans l’action collective ; ce sont là les signes d’un rebondissement et d’une mobilisation au sein de l’organisation. Au même moment, les conclusions de l’étude révèlent que les femmes sont un peu moins actives que les hommes dans les affaires syndicales, en dépit des efforts périodiques pour corriger ce déséquilibre. Par ailleurs, l’héritage des traditions de différents syndicats laissait croire que des membres non africains affiliés au COSATU semblaient moins intéressés à participer aux affaires internes du syndicat, quoique cette situation ne se traduise pas par une volonté moindre de s’engager dans l’action collective.La situation vécue par le mouvement ouvrier sud-africain au cours des années 1980 montre dans quelle mesure les syndicats peuvent se développer et croître dans un environnement économique et politique contraignant. Cependant, leur aptitude à influencer le changement demeure intimement liée à la force de l’organisation à la base et à la volonté et l’habileté des membres à s’impliquer dans l’organisation collective. Tout comme les syndicats à l’échelle mondiale, leur continuité et leur croissance ne dépendent pas seulement de l’environnement, mais également de choix stratégiques réels, en se centrant sur un engagement continu envers la démocratie en milieu de travail ; à cela s’ajoute le défi de concilier les intérêts de différents commettants. Les dissensions entre les groupements de travailleurs peuvent devenir plus graves dans l’environnement d’une flexibilité accrue du marché du travail et d’une croissance du travail précaire ; en effet, la discrimination selon la race et le sexe s’est effectivement accrue chez les travailleurs marginalisés, qui n’ont pas fait l’objet d’une protection adéquate par la législation (Clarke, 2004). Dans le passé, les déséquilibres au plan des sexes tant au sein des syndicats que dans la société en général ont découragé les femmes d’accepter des positions de leadership au sein des syndicats en Afrique du Sud, une exception importante cependant est celle de l’industrie du vêtement, qui demeure le château fort des femmes (Berger, 1992). En retour, cela signifiait que dans bien des cas les femmes étaient moins impliquées dans la planification des campagnes syndicales, dans l’élaboration des programmes syndicaux et l’établissement des politiques ; ce qui minait à la fois la solidarité à l’interne et l’efficacité (Isaacs, 2006). Le fait que les positions de leadership au sein du COSATU soient occupées par les hommes fait en sorte de sous-estimer la persistance d’inégalités au plan des sexes au sein du mouvement syndical.