1991
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Journal of the Canadian Historical Association ; vol. 2 no. 1 (1991)
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James A. Leith, « The French Revolution: The Origins of a Modern Liberal Political Culture? », Journal of the Canadian Historical Association / Revue de la Société historique du Canada, ID : 10.7202/031033ar
Il a été proposé, récemment, que l'héritage le plus important de la Révolution française serait celui d'un prototype de culture politique moderne et libérale. Le présent essai tente de démontrer que si certains éléments d'une telle culture politique sont apparus au cours de la décennie révolutionnaire, les révolutionnaires eux-mêmes n'ont jamais abandonné une conception plus ancienne de la souveraineté selon laquelle la volonté politique se doit d'être unique et indivisible. Cette croyance les a amenés à rejeter à la fois partis politiques, idée d'une opposition légitime et pluralisme. Les débats de l'Assemblée Constituante font déjà entrevoir ces tendances. Et si la Déclaration des Droits. de l'Homme, aux accents de droits individuels, a pu sembler offrir un contrepoids à ces tendances, deux de ses clauses, insérées à la demande expresse de l'abbé Sieyès, établirent que la souveraineté réside dans la nation et que la loi était l'expression de la volonté générale. Ces dispositions transformaient les droits de l'individu en droits du Leviathan. La croyance en une volonté unifiée s'exprimait aussi bien dans les symboles, personnages allégoriques et projets architecturaux de l'époque. Le personnage du demi-dieu Hercule, qui en vint à représenter le peuple, donnait l'impression d'une conception monolithique de l'ensemble des citoyens, à l'opposé de la conception que s'en ferait une démocracie libérale et pluraliste. Déplus, le faisceau, cet assemblage de tiges liées de façon si serrée qu'elles ne peuvent bouger séparément, suggérait une idée du corps politique bien éloignée de celle que détiendrait une société libérale bigarrée. En outre, au cas ou une telle unité n'aurait pas existé pas dans la réalité, les révolutionnaires entreprirent d'en assurer la création, par la promotion de rituels collectifs, ceux des « Temples décadaires », tenus tous les dix jours, lors du dimanche républicain. Ils menacèrent de coercition, voire de suppression, ceux qui ne voudraient pas se joindre à ces grands rassemblements. Finalement, la décennie vit naître plusieurs théories du gouvernement révolutionnaire à l'encontre des idées libérales — du pouvoir illimité d'une assemblée constituante, à la concentration du pouvoir aux mains d'un tribun ou d'un dictateur, en passant par la dictature d'un comité. De telles notions allaient, elles aussi, devenir importantes dans le futur.