1997
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TTR : traduction, terminologie, rédaction ; vol. 10 no. 1 (1997)
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Gabriel Louis Moyal, « Approprier la traduction », TTR: Traduction, terminologie, rédaction, ID : 10.7202/037279ar
Approprier la traduction — L'étude de quelques articles publiés dans les pages du Constitutionnel et portant sur la traduction et la colonisation sont étudiés ici dans le but de montrer comment le pouvoir politique s'articule sur la traduction ou l'interprétation dans le discours de ce journal.Tous les articles ont paru dans Le Constitutionnel entre mars et avril 1847, période qui correspond à la publication en feuilleton du dernier roman de Balzac, Le Cousin Pons. Ils portent sur des sujets très variés, couvrant une gamme qui comprend le statut légal de la traduction, les compétences qu'il faut avoir pour évaluer une traduction ou pour juger d'un savoir sur une nouvelle colonie, ou encore la bonne façon de raconter un massacre d'esclaves sur les côtes d'Afrique. Malgré cette disparité de sujets, quelques constantes s'avèrent sous-tendre l'approche que le journal adopte. On retrouve, à chaque fois, sous la discussion de ces sujets, une série de justifications politiques : celles du droit à la propriété et de l'expansion du capital, de la conquête et de l'exploitation des nouvelles colonies ainsi que du libéralisme économique. Le journal incorpore directement l'idéologie que représentent ces justifications dans son traitement de questions qui surgissent sur la traduction. De façon plus générale, la stratégie dont use le quotidien pour établir son autorité et pour soutenir son idéologie consiste à ne fournir que sa traduction des événements ou des documents qu'il discute tout en décourageant ou en limitant l'accès aux faits ou aux originaux. Ainsi s'approprie-t-il la traduction : il fait passer sa version — laquelle implique toujours quelque naturalisation de la propriété — pour la seule convenable, la seule apte à transiger proprement avec la réalité.