2009
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Relations industrielles ; vol. 64 no. 4 (2009)
Tous droits réservés © Département des relations industrielles de l'Université Laval, 2009
Ruth Barton et al., « The Local is Now Global : Building a Union Coalition in the International Transport and Logistics Sector », Relations industrielles / Industrial Relations, ID : 10.7202/038879ar
Les syndicats font face à un éventail de défis à cause de la mondialisation. Le contexte dans lequel ils oeuvrent est caractérisé par la délocalisation où la production, le transport et la consommation des biens et des services ne se font plus à l’intérieur de l’État nation et où les États s’adaptent et se reforment dans le contexte d’un ensemble émergent de relations économiques internationales. Pour les syndicats, le défi est énorme. Après une période de déclin et d’incertitude, ils commencent à se regrouper et à gérer ces changements.Un certain nombre de débats font l’objet de cette étude. Premièrement, on s’intéresse aux changements institutionnels qui prennent place, plus précisément en lien avec le mouvement syndical international, les Fédérations syndicales internationales (Global Union Federations) et les confédérations de syndicats internationaux. Deuxièmement, il existe aussi une preuve variée à l’effet que des syndicats particuliers commencent à créer des alliances transfrontalières et, dans quelques cas, ils mettent sur pied des syndicats également transfrontaliers. Un troisième débat concerne la manière dont les syndicats opérant sur une base locale cherchent à affronter les défis venant de la finance mondiale. Il en ressort que les syndicats cherchent à apprendre les uns des autres, probablement d’une façon plus positive que dans le passé. Néanmoins, on observe quelques cas de syndicats qui tentent de modifier la manière de s’organiser et d’oeuvrer tant au plan local que mondial.Pour aborder ces thèmes, nous avons porté notre regard sur le rôle du leadership syndical dans sa tentative de façonner de nouvelles manières de travailler dans un contexte de mondialisation. Nous avons centré notre attention sur trois aspects. Premièrement, alors que les syndicats ont souvent cherché à travailler ensemble pour affronter les défis de la restructuration de l’emploi et des politiques publiques, il s’est avéré souvent difficile d’établir des rapports intersyndicaux. Dans le contexte de la mondialisation, le lieu où les syndicats opèrent est critique pour le développement et l’édification de telles coalitions. Deuxièmement, les syndicats, par le biais des coalitions intersyndicales, ne peuvent arriver à défier la prédominance des relations de pouvoir ancrées sur le capital. Troisièmement, il est aussi important de considérer la question organisationnelle, notamment la manière dont les travailleurs et les syndicats reconstituent des formes d’organisation, offrant un droit de parole à leurs membres comme conditions préalables à la lutte collective. Ce dernier aspect connaîtra un traitement subséquent au moment de référer aux compétences et aux capacités des syndicats.Pour en savoir plus à ce sujet, nous étudions un cas exemplaire, celui de trois syndicats du secteur du transport à Victoria en Australie. Au cours des dernières années, ils ont mis sur pied le Groupe de Victoria de la Fédération internationale des transports. Ces syndicats sont présents dans l’industrie du transport et de la logistique dans le secteur du port de Melbourne, et plus précisément dans la livraison de marchandises. Alors que deux des syndicats ont toujours été présents dans le port et qu’ils ont transigé avec un spectre assez vaste d’employeurs privés, le troisième était issu du secteur public du transport qui était, jusqu’à la moitié des années 90, propriété publique et qui a dû recentrer ses activités suite à une privatisation. Au cours des dernières années, ces trois ensembles de dirigeants syndicaux ont posé des gestes de façon à transformer des aspects clés du syndicalisme et à établir une coalition intersyndicale centrée sur les activités du secteur portuaire de Melbourne.On prétend que des formes distinctives de syndicalisme, capables d’affronter les aspects importants des relations inhérentes à la mondialisation (par exemple celles qui impliquent des employeurs multinationaux ou bien le secteur de la logistique transfrontalière) sont en voie d’émerger au niveau local. Les conditions pour ce faire dépendent d’un leadership expérimenté et consciencieux, des occasions pour les leaders de se rencontrer et pour les activistes de développer des pratiques de solidarité, d’échanges d’information et d’établissement d’une coalition intersyndicale. Dans ce contexte, les dirigeants syndicaux et leurs membres construisent sur des formes existantes d’organisation syndicale et, en ce faisant, ils inventent des façons de travailler pour faire face aux entreprises internationales. Alors, quelques syndicats s’adaptent ainsi à la mondialisation, là où le commerce, la production des biens et services et les rapports de consommation prennent une allure internationale.Il s’agit donc ici d’une étude de transformation des institutions. Elle met en relief la façon dont un ensemble local de membres syndicaux et leurs dirigeants en viennent à mettre sur pied des pratiques qui permettent un repositionnement des syndicats sur la scène internationale. Ces développements se présentent comme la pierre angulaire d’un syndicalisme à l’échelle mondiale qui prend deux formes distinctives et décisives. Premièrement, au plan institutionnel, le Groupe de Victoria devient un élément constitutif des Fédérations syndicales internationales. Deuxièmement, dans sa vision et son intérêt principal, ce groupe met de l’avant des pratiques syndicales qui vont bien au-delà des frontières des États et des nations. Le résultat de ce processus fait en sorte que des syndicats internationaux deviennent plus qu’une éventualité; ils font maintenant partie de ce qui caractérise la situation présente et future.Les conclusions de cette étude nous incitent à croire que les syndicats ne sont pas prisonniers de leur regard historique sur l’État-nation. De fait, en développant ce genre de syndicalisme, l’organisation syndicale accroît ses possibilités de saisir des occasions crées par la restructuration, par la complexité des grandes chaînes multinationales, par des changements des politiques publiques et des pratiques et par les façons nombreuses par lesquelles ceux-ci se manifestent et se développent. Alors, le syndicalisme se voit offrir des occasions de devenir plus international dans sa mission et dans son orientation, tout en tenant compte de façon beaucoup plus sophistiquée de la mondialisation et du projet de société néolibérale. On voit ici la promesse d’un syndicalisme mondial.