2008
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L’Annuaire théâtral : Revue québécoise d’études théâtrales ; no. 43-44 (2008)
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Samuel Junod, « L’excès autour de 1550 : crépuscule du mystère et aube de la tragédie », L’Annuaire théâtral: Revue québécoise d’études théâtrales, ID : 10.7202/041711ar
Cet article utilise la notion d’excès pour saisir les transformations qui se produisent au milieu du XVIe siècle dans le domaine théâtral. Distinct de l’abondance, l’excès est souvent représenté par les métaphores de l’hydre et de l’hydropique. Il se manifeste en particulier par les différentes formes d’hybridité qui caractérisent les mystères : participation du spectateur, improvisation, contaminations possibles à l’infini, juxtaposition du profane et du religieux. Elles expliquent la multiplication des interdits, des censures et des législations dans le domaine théâtral des années 1540-1550. Nous analyserons trois pièces appartenant à cette période d’expérimentation générique et dramaturgique : le Chant natal de Barthélémy Aneau (1539), Trop, Prou, Peu, Moins de Marguerite de Navarre (1544) et l’Abraham sacrifiant de Théodore de Bèze (1550). Ce qui semble évident dans la transition du monde du mystère à celui de la tragédie, c’est que, dans le premier, l’excès touche avant tout au spectacle même, alors que dans le second, c’est le spectacle qui interroge l’excès. La représentation du Mal vaincu par le Bien, dans une scénographie débridée, cède sa place à l’invention d’une forme maîtrisée, vouée à interroger les racines maléfiques de l’outrecuidant. En passant des excès des mystères au mystère de l’excès, la société française révèle avant tout le grand degré d’incertitude qui affecte les interrogations sur son destin.