2010
Ce document est lié à :
Études françaises ; vol. 46 no. 3 (2010)
Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de Montréal, 2010
Mireille Séguy, « La tentation du pastiche dans L’Estoire del saint Graal : retraire, refaire, défaire la Bible », Études françaises, ID : 10.7202/045118ar
Après avoir évalué les conditions de possibilité d’un pastiche de la Bible, l’article analyse les modalités et les enjeux de deux pastiches bibliques qui peuvent se lire dans L’Estoire del saint Graal. Dans un roman qui oeuvre constamment à brouiller les limites entre écriture profane et Écriture sainte — notamment grâce aux procédés de la reprise et de la suture textuelles —, le pastiche apparaît comme le moyen idéal, pour la fiction romanesque, de s’immiscer dans le texte évangélique tout en l’assimilant à sa propre trame. À la faveur de ce processus, l’Estoire, qui se donne comme un cinquième Évangile écrit par le Christ lui-même, peut prétendre renouveler la Parole divine dans ses modes de signification comme dans son énoncé. Les pastiches bibliques de l’Estoire apparaissent dès lors comme l’occasion idéale pour la fiction littéraire d’accroître son domaine d’influence, tout en maintenant — comme l’implique toute pratique mimétique — un écart avec le modèle scripturaire qu’elle se donne. Grâce à cet écart, qui fonctionne comme un espace de jeu aux deux sens du terme, l’écriture romanesque tend moins à s’identifier à la Bible qu’elle ne s’arroge le droit de se surajouter à elle, de l’interpoler et de la mimer, bref de l’ouvrir au grand brassage intertextuel qui caractérise la pratique littéraire médiévale.