1997
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Relations industrielles ; vol. 52 no. 4 (1997)
Tous droits réservés © Département des relations industrielles de l'Université Laval, 1997
Louise Clarke, « Changing Work Systems, Changing Social Relations? A Canadian General Motors Plant », Relations industrielles / Industrial Relations, ID : 10.7202/051206ar
Cet article présente quelques conclusions tirées d'une étude ethnographique portant sur les relations sociales dans une entreprise d'assemblage de véhicules où la chaîne traditionnelle fut remplacée par une technologie suédoise automatisée et où quelques aspects de l'organisation japonaise du travail furent implantés. Cette usine de General Motors à Oshawa (Ontario) est intéressante en ce que non seulement y trouve-t-on une approche hybride de deux modèles de travail mais en plus y retrouve-t-on une main-d’œuvre qui était en grande partie la même avant et après ces changements.Le syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA) regroupent ces employés et le comité d'atelier a traditionnellement eu une réputation de militantisme relatif. Nos conclusions remettent en question l'idée que le fordisme est en train d'être supplanté par un nouveau modèle de production résultant dans un travail plus satisfaisant et dans des relations sociales plus coopératives.Résumons de la façon suivante les relations en milieu de travail durant les premiers dix-huit mois d'opération. Les travailleurs ont apprécié de façon presque unanime d'une part le nouvel environnement de travail amélioré par la technologie et, d'autre part l'engagement de la direction envers la qualité. Une promesse de départ s'est cependant vite dissipée vu l'intensification du travail sous le nouveau système et suite au recours par la direction à des tactiques traditionnelles pour assurer la production. En est résulté une période de relations hautement contradictoires entre négociations, discipline et efforts pour atteindre et même dépasser les objectifs de production. Cette tourmente fut suivie par un accommodement stabilisant les relations, maintenant caractérisées par une acceptation pragmatique du fordisme plutôt que par l'engagement prévu par les tenants des modèles post-fordistes.L'analyse de ces dynamiques d'atelier démontre que même si plusieurs perspectives théoriques apportent certains éléments pertinents, aucune n'explique la complexité des rapports sociaux de travail. La nouvelle technologie a eu des effets indépendants sur l'expérience de travail, positifs et négatifs, mais n'a pas déterminé pas les relations de travail. Tant le modèle de choix stratégique que la théorie sur le procès de travail n'ont pu expliquer pourquoi la direction a eu recours à des tactiques coercitives inspirées d'éléments motivationnels du nouveau système de travail. Les problèmes d'implantation sont certes inévitables, mais ils ne constituent aucunement une explication suffisante.Notre propre explication emprunte de l'approche axée sur la production du consentement (Edwards 1986 ; Bélanger, Edwards and Haiven 1994). Plus spécifiquement, il y a contradiction entre contrôle et consentement : la présence accrue de contrôle, surtout de type coercitif va entraîner la résistance des travailleurs. Cependant, un contrôle moindre ou insuffisant peut résulter en une productivité et une qualité en deçà des normes acceptables. Le résultat en est que la négociation, le conflit et la coopération sont au cœur même du travail et n'apparaissent aucunement comme un accident de parcours. Il faut donc que cette contradiction soit amenuisée ou éliminée pour que l'engagement et des relations consensuelles prédominent. Nos résultats, suite à l'études de cette usine et de d'autres lieux de travail, suggèrent plutôt que la contradiction entre contrôle et consentement a été exagérée au sujet des systèmes fordistes. Un thème commun est cependant celui de la désillusion des travailleurs face à ces nouveaux systèmes de travail suite aux différences entre les promesses et les résultats vécus. Nous explorons les aspects matérialistes et subjectifs des tensions ainsi créées. Plus la gérance stimule les intérêts de production des travailleurs afin d'atteindre le consentement, plus il y a de risques qu'il y ait efforts subséquents de la gérance de contrôler la production seulement selon sa propre logique. Il faut donc conclure que la situation actuelle, tant au niveau macro que micro, ne présage aucunement un abandon significatif des relations fordistes de production.