2010
Ce document est lié à :
Tangence ; no. 94 (2010)
Tous droits réservés © Tangence, 2010
Sophie Vanden Abeele, « La nouvelle Ève ou l’« esprit de liberté » féminin dans la fiction romanesque de Marie d’Agoult (1842-1847) », Tangence, ID : 10.7202/1003489ar
Si pour George Sand, son mentor en littérature, le roman exprime « le cri de la femme contre la tyrannie de l’homme », pour Marie d’Agoult il révèle surtout une forme de tyrannie plus globale qui est celle de la société contre les faibles et les marginaux. Reprenant les formes et les codes du roman féminin de la monarchie de Juillet, la romancière en exploite la typologie et les thématiques pour élargir la perspective. La femme chez Marie d’Agoult n’est pas seulement une victime des institutions masculines qu’incarnent le père, le mari et l’amant ou le prêtre : ses héroïnes, rompant avec le cadre social pour vivre en marge, rejoignent les autres marginaux que sont les artistes — avec lesquels elles partagent une prescience de la vérité et de la justice —, les faibles et les opprimés que sont les pauvres et les ouvriers — pour lesquels cette prescience leur donne compassion et esprit de charité. La destinée féminine illustre en effet ce que cette romancière républicaine appelle « la grande voix du malheur ». Progressiste, elle fait de la femme un personnage emblématique dont elle raconte l’itinéraire sacrificiel à travers une symbolique de rédemption qui réinvestit les modèles iconiques féminins (Béatrix, Niobé ou Ondine). Aussi ses textes sont-ils une réécriture de la doxa contemporaine sur la femme : ils montrent qu’il en va d’une réévaluation des notions de devoir et de loi morale qui permette de repenser le fondement idéologique de la société postrévolutionnaire qu’est l’idéal de liberté.