2010
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Cinémas : Revue d'études cinématographiques ; vol. 21 no. 1 (2010)
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Maria Tortajada, « L’instantané cinématographique : relire Étienne-Jules Marey », Cinémas: Revue d'études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, ID : 10.7202/1005633ar
Les travaux d’Étienne-Jules Marey sont essentiels pour la compréhension du « cinéma » au stade chronophotographique et permettent d’observer au plus près comment le cinéma se « dégage » de la photographie. En s’appropriant la technique de l’instantané photographique, Marey en vient à concevoir une forme de « cinéma » déterminée par les présupposés conceptuels et méthodologiques de sa démarche scientifique. On appréhende en général le photogramme comme une image fixe, que l’on oppose à l’image en mouvement reconstituée et définitoire du cinéma. Mais en relisant Marey, il apparaît que ce qui fondamentalement distingue le cinéma de la photographie n’est pas simplement l’illusion du mouvement. Le statut même de la photographie, de l’image fixe, se voit transformé par le dispositif cinématographique : le photogramme est une photographie instantanée de nature paradoxale. L’analyse passe par la redéfinition de la notion d’instant, associée à la technique de l’instantané, et déterminée par le temps de pose. En construisant les concepts associés à l’instant de l’éclairement dans divers travaux de synthèse de Marey, en les faisant apparaître dans un système de relations, dans diverses propositions scientifiques — liées à l’instantané photographique, à la chronophotographie sur plaque fixe, puis à la pellicule —, cet article entend montrer que l’on peut penser un instant qui dure. C’est ce que le bergsonisme écartera, séparant radicalement l’instant du passage du temps.