Il est commun de noter, dans l’oeuvre romanesque plus tardive de Marie-Claire Blais, l’absence d’une voix narrative distincte de celle de ses personnages. Toutefois, en limitant la médiation narrative à un rôle d’orchestration de ses monologues intérieurs, la critique tend à évacuer l’ambiguïté de cette paradoxale « transparence intérieure ». Cet article se propose d’analyser les stratégies narratives du cycle Soifs en partant du principe que l’écriture est d’« essence philosophique ». Il s’agit, plus particulièrement, de montrer en quoi ces stratégies mènent à un traitement des personnages qui jette constamment le doute sur le statut des voix et le lieu d’où elles parlent. L’auteure dégage ensuite quelques pistes de réflexion sur le caractère spéculatif de l’écriture, en posant l’hypothèse que l’usage de formes narratives et de stratégies d’écriture propres à la Modernité trouve chez Blais une portée épistémologique inattendue.
In Marie-Claire Blais’s later novels, the absence of a narrative voice distinct from the characters’ voices has often been noted. However, in limiting narrative mediation to the role of orchestrating interior monologues, critics have tended to evacuate the ambiguity of this paradoxical “inner transparency”. This article proposes to analyze the narrative strategies of the Soifs cycle, starting from the principle that writing has a “philosophical essence”. Specifically, the article intends to show how these strategies lead to a treatment of characters that constantly calls into question the status of the voices and the location from which they speak. The author then offers some thoughts about the speculative nature of writing, developing the hypothesis that the use of narrative forms and writing strategies characteristic of modernity finds, in the work of Marie-Claire Blais, an unexpected epistemological meaning.
Es habitual notar, en la obra novelesca más tardía de Marie-Claire Blais, la ausencia de una voz narrativa distinta de la de sus personajes. No obstante, al limitar la mediación narrativa a un papel de orquestación de sus monólogos interiores, la crítica tiende a evacuar la ambigüedad de esta paradójica ‘transparencia interior’. Este artículo se propone analizar las estrategias narrativas del ciclo Soifs partiendo del principio según el cual la escritura es de ‘esencia filosófica’. Se trata más especialmente de mostrar en qué dichas estrategias llevan a un trato de los personajes que siembra constantemente la duda sobre el estatus de las voces y el lugar desde el cual están hablando. La autora extrae luego algunas vías de reflexión sobre el carácter especulativo de la escritura, planteando la hipótesis de que el uso de formas narrativas y estrategias de escritura propias de la Modernidad encuentra en Blais un alcance epistemológico inesperado.