Cet article examine la production et l’usage des statistiques dans une sphère stratégique de l’action publique au Québec, l’éducation, et, plus particulièrement, la lutte contre le décrochage scolaire. Pour ce faire, nous analysons les documents à caractère programmatique produits au cours des quarante dernières années. Jusqu’en 1990, le décrochage fut un enjeu subordonné à la croissance des effectifs scolaires. La situation change au début des années 1990, la réussite scolaire devenant l’objectif central des politiques éducatives dans un contexte où l’État met l’accent sur l’efficience des actions publiques. Des cibles quantitatives en matière de diplomation sont alors fixées et une instrumentation innovatrice, marquée par une volonté de décentralisation de l’usage des statistiques, est mise en place. Si le recours à des données statistiques demeure faible pour l’ensemble de la période étudiée, la réorientation des politiques éducatives au tournant des années 1990 a toutefois modifié les modes de production des statistiques sur le décrochage scolaire. La production des statistiques sur le décrochage ne précède pas, chronologiquement, l’émergence de celui-ci comme problème appelant une action publique ; elle apparaît pour l’essentiel en conjonction ou dans la foulée de l’action publique dans ce domaine.
This article examines the production and use of statistics in a strategic sphere of public action in Quebec, education and, in particular, the fight against school dropout. To do this, we analyze the documents of programmatic character produced over the last forty years. Until 1990, the dropout issue was subject to a growth in enrollment. The situation changed in the early 1990s, the academic success becomes the central objective of education policy in a context where the State focuses on the efficiency of public action. Quantitative targets for graduation are then fixed and innovative instrumentation, marked by a desire to decentralize the use of statistics is established. If the use of statistical data remains low for the entire studied period, the reorientation of educational policy in the early 1990s, however, changed the modes of production of statistics on school dropout. The production of statistics on the dropout does not precede, chronologically, the emergence of it as a problem requiring public action ; it appears mostly in conjunction or as a result of public action in this area.
Este artículo examina la producción y la utilización de las estadísticas en la educación, esfera estratégica de la acción pública en Quebec y, más particularmente, la lucha contra la deserción escolar. Para ello analizamos documentos de carácter pragmático producidos en el transcurso de los últimos 40 años. Hasta 1990, la deserción escolar fue un desafío subordinado al crecimiento del alumnado. La situación cambia a inicios de los años 1990, cuando el objetivo central de las políticas educativas comienza a ser el éxito escolar, en un contexto donde el Estado hace énfasis en la eficacia de las acciones públicas. En aquél momento se determinan los objetivos cuantitativos en materia de tasa de graduación y se implementa una instrumentación innovadora, marcada por una voluntad de descentralización de la utilización de las estadísticas. Si el recurso a datos estadísticos permanece bajo en el conjunto del periodo estudiado, la orientación de las políticas educativas a finales de los años 1990 modificó, sin embargo, los modos de producción de las estadísticas acerca de la deserción escolar. La producción de las estadísticas acerca de la deserción no precede, cronológicamente, al surgimiento de ésta como problema que exige una acción pública ; en lo esencial, aquélla surge en conjunción o paralelamente a la acción pública en esta área.