2012
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Études françaises ; vol. 48 no. 2 (2012)
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Thomas Mainguy, « Saint-Denys Garneau : le jeu de l’ironie », Études françaises, ID : 10.7202/1013333ar
Suivant l’image de la révolution copernicienne, le présent article traite de l’ironie dans les poèmes garnéliens. Il s’agira d’abord d’évaluer le « rêve poétique » de Garneau pour comprendre l’impact de cette révolution. Selon l’allégorie formulée dans « Le jeu », la poésie constitue un espace de liberté où l’imagination ordonne et invente le monde à sa guise. On sent poindre le sentiment d’une grâce qu’on retrouvera aussi dans les « Esquisses en plein air ». On ne peut toutefois pas s’en tenir à cette seule lecture. Le principe même de l’allégorie met ici en lumière la proximité foncière de l’ironie et de la poésie, chacune faisant place à une « parole oblique », pour reprendre l’expression de Philippe Hamon. Inscrite, pourrait-on dire, dans le code génétique de la poésie garnélienne, l’ironie est à la source de la révolution copernicienne que la deuxième partie de l’article analysera. En effet, le poème « Autrefois » relate une rupture sur le plan de la conscience poétique ; rupture illustrée notamment par l’usage discordant d’un vocabulaire scientifique. L’ironie intervient ainsi à la faveur d’un retournement critique qui dissipe les illusions provoquées par les premiers enthousiasmes poétiques, dont celle de la centralité du sujet dans le monde. Destinée à devenir un exercice de subtilité, la poésie en mode ironique refuse les excès du lyrisme, qu’ils soient euphoriques ou désespérés, mais cherche l’« équilibre impondérable » qui rallie les contraires : la gravité, le rire ; l’identité, l’altérité ; la poésie, la prose ; l’intelligible, le sensible ; l’apprentissage, le désapprentissage.