2012
Ce document est lié à :
Les Cahiers des dix ; no. 66 (2012)
Tous droits réservés © Les Éditions La Liberté, 2013
Laurier Lacroix, « L’art des Huronnes vu par le frère récollet Gabriel Sagard en 1623-1624 », Les Cahiers des dix, ID : 10.7202/1015077ar
Parmi les récits qui présentent la vie des missionnaires en milieu autochtone, le texte du frère récollet Gabriel Sagard, Le Grand voyage au pays des Hurons, suivi du Dictionnaire de la langue huronne (1632), est reconnu comme le premier qui soit aussi complet sur cette nation. Sagard y relate son séjour de 1623-1624 auprès de la communauté de Carahouga, groupe huron qui n’a encore été que peu exposé directement au contact avec les Blancs. C’est un aspect particulier de sa relation qui m’intéresse ici, soit sa capacité de reconnaître comme des oeuvres d’art les artefacts produits par les femmes autochtones même si ce concept n’existait pas pour les Amérindiens.« Elles font […] des paniers de jonc, & d’autres avec des escorces de Bouleaux […] elles font aussi comme une espece de gibesiere de cuir, ou sac à petun, sur lesquels elles font des ouvrages dignes d’admiration, avec du poil de porc espic, coloré de rouge, noir, blanc & bleu, qui sont les couleurs qu’elles font si vives, que les nostres ne semblent point en aprocher. […]. » Son regard émerveillé et curieux détaille ainsi les peintures corporelles, les wampums, les peaux peintes, les bijoux et l’ensemble de la production visuelle.Sagard reconnaît la richesse et la diversité de leur production et il accorde à ces oeuvres des propriétés décoratives et esthétiques, les objets servant également comme moyens de communication ou comme offrandes lors des cérémonies funéraires. Son système de valeur l’empêche cependant de reconnaître la portée symbolique et mythologique de ces objets. Le texte de Sagard rend visible un moment de la culture matérielle des Hurons à la période de contact, production disparue à laquelle un travail d’interprétation pluridisciplinaire pourra en partie redonner vie.