2012
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TTR : Traduction, terminologie, rédaction ; vol. 25 no. 1 (2012)
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Simon Kim, « La traduction d’Eugène Onéguine de Pouchkine – étude comparative multilingue », TTR: Traduction, terminologie, rédaction, ID : 10.7202/1015353ar
Eugène Onéguine, écrit par Pouchkine à la fin du XIXe siècle, est l’une des oeuvres majeures de la littérature russe. Souvent dans l’ombre de l’opéra éponyme de Tchaïkovsky, son statut est souvent méconnu hors des milieux russophiles; néanmoins, nombreux sont les traducteurs qui s’attaquent à ce texte, que Pouchkine lui-même définit comme un « roman en vers ». De par sa nature hybride (ni roman, ni poème, à la fois poème et roman) et son caractère multilingue ou polyglotte (Bakhtine), possédant une forme originale (si bien qu’on parle même de « strophe onéguienne »), ce texte constitue un véritable défi que les traducteurs, et même les traducteurs non russophones (Hofstadter, Giudici), sont souvent avides de relever.Si les langues occidentales, riches elles aussi en systèmes métriques et en versification rimée, ont la tentation de transposer le vers russe dans une forme versifiée occidentale, pour les traducteurs occidentaux la question demeure de définir ce qu’est Eugène Onéguine, sachant qu’il échappe à toutes les définitions traditionnelles.Pour les langues orientales, comme le coréen ou le japonais, qui n’ont pas les mêmes traditions linguistiques, littéraires et poétiques, les enjeux dans la traduction sont à première vue plus complexes puisqu’il s’agit d’inventer ou de renoncer à rendre une forme qui est tout aussi importante que le sujet de cette oeuvre. La distinction entre les deux est d’ailleurs rendue caduque par ce texte qui remet précisément en cause cette distinction. Or, l’observation des différentes approches traductives en langues occidentales et orientales permet de mettre en lumière cette caractéristique du texte de Pouchkine et de sa traduction. Car si la familiarité des langues occidentales avec le mètre et le vers semble apparemment poser au traducteur la question du genre (roman/poème, prose poétique/poésie « prosaïque »), l’altérité ou l’étrangeté des langues orientales révèle que la tâche du traducteur est, et a toujours été – même pour les traducteurs occidentaux – non pas tant de restituer un (semblant de) vers, mais de créer une forme, un texte qui fasse « ce que fait le texte » (Meschonnic).