1980
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Urban History Review ; (1980)
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Tulio Halperín Donghi, « The Cities of Spanish America 1825-1914: Economic and Social Aspects », Urban History Review / Revue d'histoire urbaine, ID : 10.7202/1020696ar
Le présent exposé distingue trois étapes dans l’histoire des villes hispano-américaines au cours de la période considérée. La première (1825-1850) se caractérise par une croissance urbaine lente et inégale; elle se signale aussi par une réadaptation sociale à de nouvelles réalités politiques et économiques : l’indépendance, l’avènement de la république et le libre-échange. Cette évolution provoque de profondes scissions entre les classes urbaines supérieures; la classe marchande, en grande partie d’origine péninsulaire, est remplacée par un autre groupe, plus petit et plus isolé, dominé par les Britanniques; les bases du pouvoir politique se déplacent vers l’extérieur des villes et l’élite urbaine, liée à l’Église et à l’État, voit son prestige et ses revenue diminuer; le progrès de l’égalitarisme érode les marques de déférence traditionnelles. Les classes inférieures sont touchées par le déclin de l’esclavage et, au cœur de la société urbaine, de nombreux métiers traditionnels périclitent, conséquence du libre-échange, propice par contre à l’éclosion de nouvelles activités artisanales et commerciales. La deuxième étape (de 1850 aux années 1870) présente, malgré la touche de modernisation que revêt le mode de vie urbain, les mêmes tendances que les vingt-cinq années précédents : la croissance urbaine s’accélère, quoique toujours de façon très inégale; le rôle de l’État gagne en importance à l’instar de l’expansion commerciale. Durant la troisième et dernière période, les grandes villes bénéficient enfin entièrement de l’essor des nouvelles économies, fondées sur la croissance des exportations et l’unification progressive du marché intérieur : l’achèvement des réseaux ferroviaires, du Mexique au Chili et à l’Argentine, est évidemment un facteur décisif dans ces transformations. La croissance démographique et l’apparition de nouveaux facteurs de différenciation sociale (par exemple, la création d’une classe moyenne dépendante et plus nombreuse et d’une classe ouvrière moderne, formée de salariés se concentrant beaucoup plus dans les grandes entreprises, les industries du transport et des services que dans les manufactures) amènent des transformations dans le domaine résidentiel et l’utilisation de l’espace urbain. Malgré tout, les villes hispano-américaines conservent de leur passé plusieurs éléments caractéristiques, et leur développement n’a généralement qu’un rapport assez lointain avec celui des capitales tentaculaires de l’Europe continentale à cette époque.