2013
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Journal of the Canadian Historical Association ; vol. 24 no. 2 (2013)
All Rights Reserved © The Canadian Historical Association / La Société historique du Canada, 2013
Evgeny Efremkin, « Canada’s Invisible Nationality Policy: Creating Ethnicity, Managing Populations, Imagining a Nation », Journal of the Canadian Historical Association / Revue de la Société historique du Canada, ID : 10.7202/1025080ar
Le présent article se penche sur le processus de construction de l’identité nationale aux frontières du Canada dans les années 1930. À partir de l’examen des formulaires de déclaration douanière (manifestes) des passagers arrivant d’outre-Atlantique au port de Québec dans la première moitié des années 1930 ainsi que des dossiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), j’avance que la bureaucratie canadienne, guidée par des vues darwiniennes de race et d’ethnicité, et les craintes des bourgeois anglophones à l’égard de la modernisation attisées par les forces de l’industrialisation et de l’urbanisation ont conduit à un système complexe de catégorisation de la population canadienne selon des critères établis d’ethnicité, de nationalité et de race. En me fondant sur une méthode d’analyse critique du discours, j’affirme que pour « connaître » et contenir sa population croissante, l’État canadien a élaboré une politique de nationalité rigide, bien qu’invisible. Même s’il n’y avait pas de politique officielle sur la nationalité au Canada dans les années 1930, les fonctionnaires, les médias et les agences de sécurité fonctionnaient dans un mode non seulement très sensible aux différences d’origine nationale et ethnoraciale de la société, mais travaillaient en plus à amplifier ces divisions dans le but de maintenir l’ordre social ainsi que le statu quo sur les plans culturel, social et économique. Dans cet article, je prétends que les autorités frontalières étaient directement responsables de l’élaboration de représentations précises des populations ethniques du Canada, tout cela dans le contexte d’un besoin impérieux d’avoir prise sur la population d’une société qui se modernisait rapidement, où les communautés canadiennes devaient être « connaissables », connues et reconnaissables dans le discours officiel.