2001
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Revue générale de droit ; vol. 31 no. 1 (2001)
Droits d'auteur © Faculté de droit, Section de droit civil, Université d'Ottawa, 2001
Dominique Gaurier, « La rédaction des normes juridiques, source de la métamorphose du droit ? Quelques repères historiques pour une réflexion contemporaine », Revue générale de droit, ID : 10.7202/1027785ar
Une question reste actuelle : un code, envisagé comme l’aboutissement ultime de la réflexion sur le droit en tant qu’objet de science, doit-il être un ensemble construit qui obéit à une logique à la fois pratique et préétablie, ou ne peut-il être qu’un ouvrage de compilation des sources normatives présentées sous un format compact et aisé pour la consultation ?Cette question reste toujours au fond des problématiques contemporaines de la codification et elle avait déjà été envisagée, presque dans les mêmes termes, à l’occasion de l’immense entreprise que devait constituer la consignation par écrit des normes du droit. Aussi, est-ce à un aperçu de la progression de cette réflexion que l’on invite le lecteur à travers quelques-unes des grandes étapes historiques de cette évolution.Le besoin ressenti de disposer d’un corpus offrant une mise à disposition aisée des normes juridiques donna idée à des praticiens, essentiellement des juges, de mettre par écrit les normes coutumières qu’ils devaient mettre en oeuvre dans leurs jugements dès la fin du XIIe siècle.Puis, de privée qu’elle était, cette initiative fut reprise à son compte par le pouvoir royal dès le milieu du XVe : le roi Charles VII prescrivait en effet la rédaction officielle des coutumes des différents pays du royaume.La mise à disposition de ces ensembles normatifs, dorénavant écrits et moins aléatoires, permit de passer à l’observation des normes envisagées maintenant pour elles-mêmes. Le droit devint ainsi un objet de science, suscitant tout un travail de comparaison, de recherche de la rationalité des règles et même, la formulation que pourrait bien présider à un ensemble assez disparate, une forme d’esprit commun. Cet esprit commun fut un des moteurs de la quête pour une unité juridique du royaume et la question de la confection de codes put alors être abordée. Un tel travail commença avec le règne de Louis XIV et fut partiellement continué sous les règnes de ses successeurs, mais il n’avait concerné que les lois du roi et non l’ensemble du droit coutumier.C’est avec la Révolution française que le principe de constituer un Code civil unique pour la nation fut posé; mais il ne devait déboucher qu’en 1804. Le nouveau Code s’inspirait de la tradition antérieure tout en intégrant les apports que lui avait fait subir le droit révolutionnaire. Ce Code, qui a deux siècles d’existence, voit régulièrement se poser la question de sa refonte qui est sans cesse reculée pour privilégier des refontes partielles. À cet égard, la Belle Province sut prendre le pari d’offir un nouveau Code civil en 1994 pour remplacer l’ancien de 1867. Par ailleurs, on voit se multiplier l’apparition de « codes » qui n’en sont guère dans la mesure où ils se bornent à opérer des compilations sans obéir à aucune logique d’organisation. L’idée de codification demeure avec des questions inchangées quant au fond pour savoir ce que doit être un code.Ce petit détour par l’histoire permet ainsi d’éclairer le contexte ancien de questions actuelles.