2014
Ce document est lié à :
Tangence ; no. 105 (2014)
Tous droits réservés © Tangence, 2014
Anne Élaine Cliche, « « Une voix en moi, pas la mienne » », Tangence, ID : 10.7202/1030447ar
Cet article propose de passer par l’indécidable de la voix du point de vue « prophétique », qui ne concerne pas tant l’identité que le lieu de surgissement du dire, pour penser les enjeux de cette transcendance dans l’écriture romanesque contemporaine. Les prophètes bibliques ont eux-mêmes interrogé cette vocation qui leur tombe dessus comme une charge, un fardeau, et les destine à « parler une parole » dont la provenance, le lieu, reste éminemment énigmatique et dialogique. Ce qui nous intéresse plus précisément ici, ce sont les écrivains pour qui la voix d’écriture — voix narrative — fait question, ne passe pas directement, ne se donne pas comme pure et simple extension (expression) d’un moi, même fictif. On se tournera donc volontiers vers ceux chez qui la voix frappe l’obstacle qu’elle doit pourtant traverser, et de là, révèle que la source — source de la voix — n’est pas adéquate au corps (celui du narrateur par exemple) qui apparemment la profère. Cette mise en jeu de l’inadéquation entre la voix et le corps parlant permet d’éclairer certaines « narrations indécidables ». De là, on pourra revoir l’énonciation de deux romans (Comment c’est de Samuel Beckett et Des anges mineurs d’Antoine Volodine) dans ce qu’elle suscite de révélation qui lui permet de soutenir que la narration ne saurait être une simple mise en récit. Elle serait surtout, cette narration, la création d’un réel inédit qui n’est pas l’histoire racontée mais l’événement d’une voix.