« L’oeil ne se voit pas voir » : Sulzer sur la contemplation et le sentiment de soi

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2015

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Philosophiques ; vol. 42 no. 1 (2015)

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Stefanie Buchenau, « « L’oeil ne se voit pas voir » : Sulzer sur la contemplation et le sentiment de soi », Philosophiques, ID : 10.7202/1032218ar


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Johann Georg Sulzer participe d’une tradition allemande et wolffienne qui conjugue réflexion épistémologique et esthétique. L’originalité de Sulzer au sein de cette tradition consiste à développer un nouveau modèle de la connaissance comme contemplation (qewrei`n, speculatio). Selon ce modèle spéculatif qui emprunte des éléments à l’esthétique de Du Bos, la distance et l’extériorité du spectateur par rapport à son objet est loin d’être le réquisit d’une bonne vision. Celle-ci dépend tout au contraire de l’appartenance du spectateur au monde qu’il contemple, de sa réceptivité, de sa sensibilité et de son humanité. Car l’âme ne peut déployer son activité de pensée qu’à condition de s’attacher d’abord à son objet : un tel attachement est la condition de son détachement. La mise en place de ce nouveau modèle spéculatif répond à l’injonction de Mérian qui est de repenser la conscience ou l’aperception à partir d’un sentiment a posteriori. Car « l’oeil ne se voit pas voir » (Mérian), et l’aperception primitive, cet acte par lequel l’esprit se pense, lui échappe. Il éprouve néanmoins des sentiments — de plaisir et de déplaisir — qui le contraignent à faire retour sur lui-même et sur son état d’être affecté ; des sentiments dont Sulzer considère qu’ils ancrent sa connaissance dans la réalité et lui permettent de la rapporter à soi-même. C’est ainsi qu’au fil des mémoires académiques des années 1750 à 1770, Sulzer élabore une nouvelle conception tripartite des facultés (connaissance, sentiment et méditation), et une distinction entre domaines théorique et pratique qui marquera la philosophie de Kant. Ce débat au sein de l’Académie berlinoise au sujet de la connaissance de soi donne une nouvelle orientation anthropologique à la philosophie allemande de la seconde moitié du xviiie siècle.

Johann Georg Sulzer belongs to a German and Wolffian tradition that closely associates theory of knowledge and aesthetics. Sulzer’s originality within this tradition consists in introducing a new model of contemplation (qewrei`n, speculatio). This model borrows elements from Du Bos and leads him to revise the traditional paradigms of cognition and self-cognition : more than the spectator’s distance and exteriority to her object, good vision requires her involvement and inclusion into the world she contemplates, that is her receptivity, sensibility and humanity. For her soul cannot unfold its activity unless it is attached to its object. Such attachment is the condition of its detachment. Sulzer elaborates his model of speculation in response to issues recently raised by his colleague Merian within the Berlin academy. Merian had emphasized the necessity to rethink consciousness or apperception on the basis of some posteriori feeling. For “the eye does not see itself seeing” (Merian) and the primitive apperception, the act of thinking itself, necessarily escapes the soul’s aperception : it nonetheless has feelings — of pleasure and displeasure — which make the soul reflect on itself and its state of affection ; For Sulzer, these feelings are what grounds knowledge in reality and establishes a relation to the self. In his writings from the 1750’ies to the 1770’ies Sulzer develops these insights and elaborates a new division of faculties (knowledge, feeling and contemplation) and of the theoretical vs. practical that will shape Kant’s psychology and philosophy. This debate within the Berlin academy confers a new anthropological orientation to the German philosophy of the second 18th century.

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