2014
Ce document est lié à :
Intermédialités : Histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques ; no. 23 (2014)
Tous droits réservés © Revue Intermédialités, 2014
Raymond Bellour, « Démonter/remonter le cinéma », Intermédialités: Histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques / Intermediality: History and Theory of the Arts, Literature and Technologies, ID : 10.7202/1033335ar
Le cinéma a toujours éprouvé plus ou moins le désir ou le besoin de se citer lui-même. Mais il en va autrement quand l’oeuvre entière tombe sous le coup de la citation généralisée, au gré de stratégies variées par lesquelles se retournent l’une sur l’autre les logiques du cinéma et celles de l’art contemporain. Trois oeuvres emblématiques forment en cela une sorte de paradigme, qui ouvre sur bien d’autres : 24 Hours Psycho (1993) de Douglas Gordon; Histoire(s) du cinéma (1989-1998) de Jean-Luc Godard; The Clock (2010) de Christian Marclay. Dans l’oeuvre de Gordon, le corps du film est mis à mal par la transformation dont il devient l’objet, ralenti jusqu’au paradoxe pour un spectateur mué en visiteur improbable. Mais ce geste iconoclaste s’inscrit malgré lui dans la logique épistémique qui a été celle des analystes de films. Godard, à l’opposé, conçoit une ode au cinéma comme art pensé dans son histoire et son rapport aux autres arts. Elle culmine à travers l’hommage à Hitchcock dans l’épisode Le contrôle de l’univers. Quant à Marclay, le paradoxe des vingt-quatre heures de son montage généralisé devenant le temps réel de son spectateur-visiteur réalise comme une sortie du cinéma sous couvert d’en emprunter la matière et d’en mimer le dispositif.