2014
Ce document est lié à :
Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique ; vol. 15 no. 2 (2014)
Tous droits réservés © Société québécoise de recherche en musique, 2016
Chloé Huvet, « La dissociation musique/images dans Jurassic Park : un élargissement des pratiques compositionnelles de l’âge d’or hollywoodien dans la partition de John Williams », Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique, ID : 10.7202/1036117ar
Revendiquant une filiation avec les compositeurs de l’âge d’or hollywoodien et faisant valoir des conceptions relativement similaires quant à la place et au rôle de la musique au sein du film, John Williams est souvent représenté dans la littérature spécialisée comme l’héritier direct des pionniers du symphonisme.Tandis que les études des partitions de Williams restent souvent focalisées sur le synchronisme, il apparaît au contraire intéressant d’analyser les procédés de mise à distance entre la musique et l’image. Cette étude de la musique composée pour Jurassic Park, laquelle n’a encore fait l’objet d’aucune recherche musicologique véritablement approfondie, interroge l’apport et la singularité de Williams au regard des pratiques antérieures de la dissociation musique/images. Cette approche permet aussi de faire ressortir les lacunes du discours dominant sur un compositeur contemporain.En effet, une analyse méticuleuse de la partition de Jurassic Park permet de mettre au jour un hiatus entre ce discours dominant et la pratique effective du compositeur. Williams ne se contente pas de reprendre les types de décalage musique/images employés par les pionniers du symphonisme, mais élargit les procédés et réévalue leur utilisation. En outre, certains modes de dissociation apparaissent comme spécifiques au compositeur. Dans plusieurs scènes, Williams renforce la discontinuité du montage afin de mettre en valeur un changement dramatique soudain. Une distance musicale est aussi créée par rapport aux dialogues, aux réactions des personnages et aux références visuelles. Se démarquant du 100 pour cent musical, la partition accorde une place importante au silence, la musique étant absente aux moments dont l’accompagnement est traditionnellement convenu. Enfin, s’écartant des pratiques du symphonisme hollywoodien, Williams se livre à un traitement relativement inattendu et personnel de la mort, tandis que sa musique nuance la perception d’un happy end en nimbant les derniers plans d’un voile triste et mélancolique.