2016
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Recherches sociographiques ; vol. 57 no. 2-3 (2016)
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Lori G. Beaman et al., « « Dans leur propre intérêt » : La Charte des valeurs québécoises, ou du danger de la religion pour les femmes », Recherches sociographiques, ID : 10.7202/1038436ar
Au cours des dix dernières années, plusieurs rapports et débats publics ont exposé clairement la relation entre la laïcité et l’égalité entre les femmes et les hommes. Dans de nombreux cas, l’égalité hommes-femmes ne semble être envisagée que dans un contexte laïque. Les récents débats publics sur la religion et la diversité au Québec illustrent bien la manière dont laïcité et égalité des femmes sont mises en parallèle. Dans cet article, nous examinons comment le principe d’égalité hommes-femmes ressort de certains des mémoires présentés devant la Commission Bouchard-Taylor, du rapport des commissaires, ainsi que des discussions publiques ultérieures qui ont été menées sur le sujet. Nous explorons ensuite les modalités selon lesquelles l’égalité hommes-femmes a émergé comme thème central des mémoires présentés à l’Assemblée nationale à l’occasion du débat sur la Charte des valeurs québécoises. Notre analyse révèle que ces mémoires présentent les femmes, croyantes ou non, pratiquantes ou non (religious or non-religious) comme des êtres en mal de protection : c’est en effet le cas pour les femmes qui le sont, si l’on part du principe qu’elles n’ont aucune capacité à agir par soi-même (agency); c’est également celui des femmes qui ne le sont pas dans l’optique où elles ne devraient pas être exposées aux dogmes religieux. Dans notre perspective, ces deux postures s’inscrivent dans la lignée d’une attitude patriarcale qui nie la capacité des femmes à agir selon leur propre volonté. En outre, nous remettons en cause l’idée selon laquelle l’égalité des femmes relève de la laïcité, elle-même impliquée dans le patriarcat et emprisonnée dans la question de l’inégalité des femmes.