2016
Ce document est lié à :
Meta : Journal des traducteurs ; vol. 61 (2016)
Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de Montréal, 2016
Delphine Olivier-Bonfils, « Un traducteur médical au XIXe siècle : Gustave Borginon et l’antisepsie », Meta: Journal des traducteurs / Meta: Translators’ Journal, ID : 10.7202/1038688ar
Certains auteurs ont affirmé que le traducteur du XIXe siècle portait entièrement le projet de traduction, du choix de l’auteur et de son texte à celui de l’éditeur. Dans certains cas, son intervention a donné lieu à des protestations de la part des auteurs eux-mêmes, Darwin, reniant les traductions de sa théorie sur l’évolution par Clémence Royer par exemple. On peut faire cependant l’hypothèse que, dans un domaine pratique comme celui de la chirurgie où l’on transmet plutôt des techniques à appliquer que des théories bouleversant la vision du monde, le texte traduit se présente essentiellement comme un transfert de données factuelles du texte source dans la langue cible. L’analyse détaillée de la traduction (1882) par Gustave Borginon des écrits de Joseph Lister exposant le principe de l’antisepsie met en évidence une attitude plus nuancée, soit une fidélité que l’on pourrait qualifier de « fonctionnelle », parce qu’elle préserve tous les détails pratiques de la méthode antiseptique. Cependant, les références à la filiation existant entre le principe antiseptique et la théorie des germes de Pasteur sont fortement atténuées. De la même manière, les certitudes affichées par Lister sont clairement modérées. Un certain nombre d’indices incitent cependant à penser que l’auteur n’était pas étranger à des modifications qui semblent destinées à favoriser l’acceptation, par des chirurgiens français encore réticents, d’une pratique innovante et salvatrice.