2016
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Meta : Journal des traducteurs ; vol. 61 no. 3 (2016)
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Kris Peeters, « Traduction, retraduction et dialogisme », Meta: Journal des traducteurs / Meta: Translators’ Journal, ID : 10.7202/1039222ar
Cet article cherche à explorer ce que le dialogisme bakhtinien pourrait signifier pour la poétique de la traduction littéraire. À partir de la théorie du discours de Bakhtine, il est argumenté que la traduction relève d’un processus de création dialogique qui est décrit comme l’incorporation, dans le « créé » de la forme du texte traduit, du « donné » d’un matériau à traduire qui relève de la fondamentale non-équivalence du discours d’autrui. Au binarisme différentiel des formes supposées « équivalentes » d’un « texte source » et d’un « texte cible » se substitue ainsi une poétique inclusive qui considère le texte « original » comme un texte non traduit et le texte traduit comme un original dont la forme nouvellement créée incorpore le matériau à traduire du discours d’autrui. La retraduction, qui plus est, est une double prise de position dialogique, vis-à-vis d’un « donné » qui comprend le matériau à traduire, mais aussi les formes par lesquelles les premières traductions ont dialogiquement incorporé ce matériau. À partir d’analyses du dialogisme des retraductions anglaises de L’Étranger de Camus (Kaplansky 2004) et de Nana de Zola (Brownlie 2006) et de la retraduction française d’Ulysses de Joyce (Hoepffner 2011), il est montré comment la retraduction redéfinit et intensifie les intersections dialogiques entre textes, langues et cultures. Bref, les retraductions étudiées ne sont guère, comme le voudrait la retranslation hypothesis, plus « sourcières », mais plus ouvertement dialogiques, c’est-à-dire à-la-fois-sourcières-et-ciblistes, que les premières traductions.