Science asservie et invisibilité des cancers professionnels : études de cas dans le secteur minier en France

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2017

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Relations industrielles ; vol. 72 no. 1 (2017)

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Annie Thébaud-Mony, « Science asservie et invisibilité des cancers professionnels : études de cas dans le secteur minier en France », Relations industrielles / Industrial Relations, ID : 10.7202/1039594ar


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Depuis plus d’un siècle, l’évolution de la recherche concernant la santé publique, en général, et les risques du travail, en particulier, est largement dominée par les besoins et stratégies des industriels. Ceux-ci interviennent, non seulement dans le financement des études menées, mais aussi dans leur conception, parvenant à faire subsister le doute là où la mise en danger est manifeste. L’un des principaux points d’appui de cette incertitude indéfiniment reconduite réside dans l’invisibilité des pathologies liées au travail, en particulier les cancers professionnels.S’appuyant sur des enquêtes pluridisciplinaires en sciences sociales et sciences de la vie — qui mettent en question le modèle dominant monocausal de compréhension des liens entre cancer et facteurs de risque — la première partie de cet article démontre comment une interprétation réductrice de la causalité du cancer permet cette incertitude indéfiniment reconduite, inscrite dans le « paradigme du doute », tout en faisant obstacle à la connaissance et à la reconnaissance des cancers professionnels. Deux études de cas dans le secteur minier français illustrent ensuite la remise en cause, toujours possible, de la dangerosité de cancérogènes parfaitement identifiés, et le déni de droits à la reconnaissance en maladie professionnelle des travailleurs atteints, les maintenant dans l’invisibilité.Ainsi, le paradigme du doute, qui domine la santé publique, permet-il aux industriels, mais aussi aux acteurs étatiques — aujourd’hui comme hier —, de s’appuyer sur l’incertitude pour envisager favorablement la réouverture de sites miniers dans des régions habitées, sans prise en compte des enjeux sanitaires. L’épidémie de cancer ne cesse de progresser atteignant, en France, une incidence estimée de 385 000 nouveaux cas par an en 2015 (contre 150 000 en 1984). Mais le doute entretenu sur les effets sanitaires de risques industriels, dont les dangers sont pourtant avérés, favorise encore actuellement la poursuite des conditions de production de cancers futurs, en particulier chez les premiers concernés par l’exposition aux cancérogènes, à savoir les travailleurs.

For more than a century, the evolution of research relating to public health in general, and occupational risks in particular, has been largely dominated by industrial needs and strategies. They play a role, not only in the financing of the studies carried out, but also in their design, thus feeding into the uncertainty of where dangers exist. One of the main issues underlying this uncertainty relates to the invisibility of work-related diseases, and, in particular, occupational cancers.Based on multidisciplinary surveys in the social sciences and life sciences—which challenge the dominant monocausal model of understanding the links between cancer and risk factors—the first part of this article demonstrates how a reductive interpretation of the cause of cancer perpetuates uncertainty, inscribed under the ‘paradigm of doubt’, while hindering our knowledge and recognition of occupational cancers. Two case studies in the French mining sector illustrate how the danger of clearly identified carcinogens can always be called into question, and rights to the recognition of occupational diseases can be denied for workers who suffer, maintaining their invisibility.Hence, the paradigm of doubt, which dominates public health, allows industrialists, as well as state actors—today, as yesterday—to rely on uncertainty as a means of looking favourably at the reopening of mining sites in inhabited areas, without taking into account health issues. The cancer epidemic continues to grow, reaching an estimated incidence of 385,000 new cases per year in France in 2015 (compared with 150,000 in 1984). But the uncertainty about the health effects of industrial risks, the dangers of which are proven, still currently favours the continuation of conditions that will cause future cancers, particularly among those exposed to carcinogens, namely, the workers.

Desde hace más de un siglo, la evolución de la investigación concerniente a la salud pública, en general, y a los riesgos del trabajo, en particular, está ampliamente dominada por las necesidades y las estrategias de los industriales. Estos intervienen, no solo en el financiamiento de los estudios llevados a cabo, pero también en su concepción, logrando hacer subsistir la duda ahí donde el peligro es manifiesto. Uno de los principales puntos de apoyo de esta incertitud indefinidamente reconducida reside en la invisibilidad de las patologías vinculadas al trabajo, en particular los canceres profesionales.Apoyándose en encuestas pluridisciplinarias en ciencias sociales y en ciencias de la vida — que cuestionan el modelo dominante mono-causal de comprensión de los vínculos entre cáncer y factores de riesgo —, la primera parte de este artículo demuestra cómo una interpretación reductora de la causalidad del cáncer permite esta certitud reconducida indefinidamente, inscrita en el « paradigma de la duda », haciendo así mismo obstáculo al conocimiento y al reconocimiento de los canceres profesionales. Dos estudios de caso en el sector minero francés ilustran el cuestionamiento, siempre posible, de la peligrosidad de los cancerígenos perfectamente identificados, y la negación de los derechos al reconocimiento de enfermedad profesional para los trabajadores afectados, sin lo cual son mantenidos en la invisibilidad.Así, el paradigma de la duda, que domina la salud pública, permite a los industriales pero también a los actores estatales — hoy como ayer —, de apoyarse sobre la incertitud para considerar favorablemente la reapertura de emplazamientos mineros en las regiones habitadas, sin tomar en cuenta las cuestiones sanitarias. La epidemia de canceres no cesa de progresar con una incidencia en Francia estimada a 385 000 nuevos casos por año en 2015 (contra 150 000 en 1984). Pero la duda entretenida sobre los efectos sanitarios de los riesgos industriales, cuyos peligros son sin embargo evidentes, favorece aún más actualmente el mantenimiento de condiciones de producción de canceres futuros, en particular para los primeros concernidos por la exposición a los cancerígenos, es decir los trabajadores.

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