Esquives, pièges et désaveux : Les « Anti-confessions » de Nelly Arcan et d’Anne Garréta

Fiche du document

Date

2017

Discipline
Type de document
Périmètre
Langue
Identifiant
Relations

Ce document est lié à :
Études françaises ; vol. 53 no. 2 (2017)

Collection

Erudit

Organisation

Consortium Érudit

Licence

Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de Montréal, 2017

Résumé Fr En

« [O]n va leur montrer nos sextes ! » Depuis quarante ans déjà, les écrivaines et réalisatrices de langue française ont répondu en grand nombre à ce cri de ralliement lancé naguère par Hélène Cixous dans son essai « Le rire de la Méduse ». Dans des oeuvres bien souvent provocatrices – où il est question, entre autres, de pratiques sadomasochistes, d’échangisme, de prostitution, de viol, d’inceste –, il importe manifestement d’arracher au silence les expériences les plus diverses de la sexualité féminine. Malgré les accusations de nombrilisme et d’exhibitionnisme que la critique dirige parfois contre ces récits d’aveu, il est d’usage d’interpréter ceux-ci comme signes d’une audacieuse expression de soi et d’une émancipation collective toujours croissante. C’est dans la transgression des tabous, aussi bien que dans l’affranchissement des carcans patriarcaux et hétéronormatifs, que cette entreprise puiserait à la fois sa force personnelle et sa légitimité politique. Les deux oeuvres autofictionnelles sur lesquelles je me concentre ici s’inscrivent toutefois en faux contre cette tendance dominante. Car si Nelly Arcan et Anne F. Garréta se prêtent à des confidences intimes dans Putain (2001) et Pas un jour (2002), c’est pour mieux désavouer la littérature d’aveu. Toutes deux reprennent à leur compte la thèse de Michel Foucault selon laquelle la sexualité, loin d’être sujette à la répression et à la censure, représente à l’âge moderne une source intarissable du discours. Nous serions en définitive constamment adjurés de parler du désir et du plaisir sexuels, l’« ironie de ce dispositif », notait Foucault, étant de « nous fai[re] croire qu’il y va de notre “libération” ». Arcan et Garréta engagent dès lors à se demander si l’injonction actuelle au dévoilement ne relève pas d’une forme insoupçonnée de coercition. En traquant deux des motifs qui animent leurs textes – le scandale dans Putain, la déprise dans Pas un jour –, cette étude s’attache à montrer comment ces oeuvres se constituent en anti-confessions.

“We will show them our sexts!” Ever since Hélène Cixous’s battle cry in “The Laugh of the Medusa” (1975), female writers and filmmakers have set about doing just that. Dealing with such subversive and sexually explicit topics as sadomasochistic practices, partner-swapping, prostitution, rape and incest, they have tended to emphasize first and foremost the importance of self-expression and the need to break the silence surrounding women’s most diverse sexual experiences. Despite accusations of narcissism and exhibitionism which are sometimes levelled against them, these works are commonly hailed as bold signs of women’s coming to voice and of their collective emancipation from heteronormative patriarchy. The works discussed in this article, Nelly Arcan’s Putain and Anne F. Garréta’s Pas un jour, take issue with these assumptions. Whilst initially masquerading as “confessional” works, these texts seek to challenge the premises of the confessional genre. Their position chimes with Michel Foucault’s claim in The History of Sexuality, namely that sexuality in the modern age, rather than being subject to censorship and repression, has in fact produced a “veritable discursive explosion.” We are, it would seem, constantly compelled to speak about sex, the irony of such an imperative being that we conceive of it as a form of liberation. Arcan and Garréta call on us to question whether the current trend of confessional writing by women and its emphasis on disclosure does not constitute yet another form of coercion. Focusing here on two central motifs—scandalous repetition in Arcan, ironic detachment in Garréta—I examine some of the key strategies mobilized in their “anti-confessions.”

document thumbnail

Par les mêmes auteurs

Sur les mêmes sujets

Sur les mêmes disciplines

Exporter en