2017
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Cahiers franco-canadiens de l'Ouest ; vol. 29 no. 2 (2017)
Tous droits réservés © Centre d’études franco-canadiennes de l’Ouest (CEFCO) et Presses universitaires de Saint-Boniface (PUSB), 2017
Sante A. Viselli, « Le Manitoba ou le purgatoire prométhéen dans l’imaginaire poétique d’Alexandre L. Amprimoz », Cahiers franco-canadiens de l'Ouest, ID : 10.7202/1042266ar
Cette étude se veut un hommage au poète Alexandre L. Amprimoz. Né à Rome de père français et de mère italienne, il porte en lui les signes d’une double sensibilité. Sans cette clef, il serait difficile d’apprécier sa voix, son intarissable désir de créer: l’écriture devient la traduction du drame de celui qui cherche à se libérer de ses peurs, de son passé. C’est au Manitoba que sa plume subira des avatars nécessaires à sa création, à la quête du salut: nouveau Prométhée, il réussira à vaincre le désespoir, à dépasser cette nostalgie si typique des émigrés. Héritier du pays du soleil, il en est en même temps la métaphore et l’antithèse. Il porte en lui l’expérience de la mort et la joie de vivre des méditerranéens, un phénomène culturel d’ailleurs bien connu surtout à Rome. Encore enfant, il ne sera pas sourd à l’appel de ce «bateau ivre» qui le séparera définitivement un jour de l’Italie, de la France. C’est l’appel de l’inconnu où l’enfant et l’exilé se rejoignent dans la même blessure, celle causée par les rêves, le mal du retour et la prise de conscience d’un monde autre, celui du Manitoba et du ciel de la prairie. Son drame touche au paroxysme dans Bouquet de signes où le poète vainc le pessimisme de Conseils aux suicidés. Cependant, cet univers nordique l’enferme comme un oiseau en cage: son chant interminable, comme les hivers manitobains, se colore d’ironie, même d’angoisse existentielle. Amprimoz s’y livre au combat contre les forces de la nature et contre sa sensibilité, combat face auquel il se voit souvent démuni, impuissant: la parole poétique semble échouer au Manitoba, le linceul blanc qui enveloppe les êtres et les choses demeurant celui de la mise au tombeau du crucifié. Il faudra cependant sortir de ce tombeau, se débarrasser du marbre et des cathédrales, des collines toscanes, de la Méditerranée. Malgré les métaphores et images déchirantes qui se dégagent de la poésie d’Amprimoz, le cycle manitobain marqua certes un renouveau de son écriture. C’est dans ce pays en noir et blanc qu’il trouvera les véritables Changements de tons, le fil qui le conduira hors du labyrinthe intérieur, de son purgatoire: il aura enfin trouvé sa maison, sa voix. Prométhée aura conquis la peur, aura atteint la lumière d’autres soleils, certes un rappel émouvant de la Divine comédie de Dante qu’il aimait tant.