2018
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Études françaises ; vol. 54 no. 1 (2018)
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Catherine Brun, « À l’envers et l’endroit de mai 1968 : les théâtres de Gatti et de Vinaver », Études françaises, ID : 10.7202/1042868ar
À partir de l’examen de deux entreprises théâtrales en prise directe avec les bouleversements de Mai, celles des dramaturges français Armand Gatti et Michel Vinaver en 1968-1969, est examinée la manière dont les événements de 1968 et le théâtre tel qu’il peut (ou ne peut pas) se faire à ce moment, non seulement infléchissent la trajectoire des oeuvres, mais obligent à situer les pièces créées et l’acte de création même face au système tel qu’il ne cesse de renaître de ses cendres. Tandis que l’un (Gatti), interdit de représentation au Théâtre National Populaire, s’éloigne toujours davantage des lieux où le théâtre institué se fait et promeut de nouvelles modalités d’écriture (une « écriture avec » des hommes et des femmes réels, un théâtre portatif, en quête de formulations inédites), l’autre (Vinaver) y fait retour. Opérant la jonction entre ses activités professionnelles à la direction d’une entreprise multinationale et ses activités créatrices, il renonce à dissocier la libération (physiologique, psychique, politique, économique) du recyclage et prétend opposer aux spectres de l’absorption généralisée un objet dramatique insoluble. Ce sont ainsi les contradictions de Mai 68 qui sont révélées, en même temps que celles des créateurs : quelle(s) place(s) pour le pouvoir ? pour la création ? quelle efficace ? quels recyclages annoncés ? quelles réponses esthétiques (possibles, durables) aux menaces de récupération ?