2016
Ce document est lié à :
BioéthiqueOnline ; vol. 5 (2016)
Droits d'auteur © VWolff, 2016
Valérie Wolff, « Le sens de l’urgence à l’hôpital », BioéthiqueOnline, ID : 10.7202/1044295ar
Les services hospitaliers d’urgences, initialement créés pour accueillir les pathologies aiguës et graves, sont aujourd’hui confrontés à des exigences multiples. Ils doivent non seulement répondre aux situations d’urgences vitales, mais aussi combler les lacunes de l’offre sanitaire et sociale en matière de prise en charge de pathologies bénignes ou de problèmes sociaux. Face aux phénomènes chroniques d’engorgement, les politiques hospitalières s’orientent vers une restriction de l’accueil au noyau des pathologies graves. Les protocoles de triage permettent ainsi de hiérarchiser les priorités sur la base des critères cliniques préétablis. Mais derrière le modèle de tri normatif, se trouve une réalité autrement complexe, susceptible d’adaptations et d’arrangements, dérogeant à la rigueur des normes officielles pour s’ouvrir à la particularité des situations rencontrées. À partir d’une enquête par immersion menée pendant trois ans au sein d’un service hospitalier d’urgences, la recherche ici présentée démontre que la gestion des priorités, loin de ne dépendre que des seules normes réglementaires, s’adapte et se modifie en fonction des habitus et des usages de la médecine hospitalière. Face à des exigences multiples, les professionnels se trouvent confrontés à de véritables dilemmes moraux et à des contradictions quotidiennes entre solidarité, humanité, tri des patients, gestion des priorités et impératifs économiques. Au quotidien, les soignants de l’urgence tentent de prioriser leurs actes en conciliant les contraintes morales et organisationnelles liées à leur fonction. Ils se voient ainsi imposer de multiples défis éthiques qui interrogent le sens de l’urgence, la responsabilité face au risque et les enjeux de l’institution hospitalière.