2018
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Revue musicale OICRM ; vol. 5 no. 2 (2018)
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Cécile Carayol, « La Ligne rouge de Hans Zimmer. Matrice d’un « nouvel Hollywood » électro-minimaliste et contemplatif », Revue musicale OICRM, ID : 10.7202/1054148ar
À travers une étude comparative de plusieurs films au contexte narratif contemplatif comme La Ligne Rouge (Terrence Malick, 1998), partition-matrice qui a marqué une nette évolution dans l’esthétique zimmerienne, Hannibal (Ridley Scott, 2001), Da Vinci Code (de Ron Howard, 2006) « synthèse la plus raffinée des influences du minimalisme » (Berthomieu 2013, p. 698), jusqu’à des partitions que Hans Zimmer a composées pour Christopher Nolan comme Inception (2010) et Interstellar (2014), cet article montre de quelle manière Zimmer parvient pleinement à imposer un nouveau courant musical à Hollywood en intégrant une écriture épurée imprégnée notamment par le minimalisme d’Arvo Pärt à des boucles élaborées par des synthétiseurs ou des sons électroniques : si les hommages ciblés à des oeuvres d’Arvo Pärt sont propices à souligner le tourment intérieur ou le recueillement sombre, Zimmer reprend également des principes plus généraux de cette forme de minimalisme – souvent une oscillation immuable et répétée à l’infini autour d’un accord parfait mineur – presque systématiquement mêlés à cette énergie créative de timbres hybrides, afin de créer une autre temporalité apportant une forme d’inéluctable à l’image tout en maintenant empathie et synchronisme discret comme soutiens à l’action (La Ligne rouge, Batman Begins, Da Vinci Code, Inception). La quinte – seule, en ostinato ou répétée sur un motif – quintessence du tintinnabuli zimmerien (au-delà de l’accord parfait pärtien), souligne l’instant suspendu (La Ligne rouge, Hannibal, Interstellar), tandis qu’une forme de radicalisation de ce minimalisme qui va parfois jusqu’à la négation de toute mélodie, remplacée par une note unique, devenue texture abstraite, ou par un cluster diatonique en blend mode (Da Vinci Code, Interstellar), évoque le désespoir, la mort, ou le néant. Loin d’être un « monde » qui « se réduit alors au vide d’un présent sans rêve » (Berthomieu 2004, p. 75), l’écriture électro-minimaliste et contemplative de Zimmer, marquée par une cohérence narrative forte, est connectée au programme esthétique des films auxquels elle se destine.