2020
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Développement Humain, Handicap et Changement Social ; vol. 26 no. 1 (2020)
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Isabelle Ville, « Protection sociale et émancipation. Une alliance vertueuse mais instable », Développement Humain, Handicap et Changement Social / Human Development, Disability, and Social Change, ID : 10.7202/1068187ar
L’article discute les conditions de possibilité d’alliances vertueuses entre protection sociale et émancipation, en empruntant la voie ouverte par Nancy Fraser (2013). Depuis les années 1970, les mesures de protection sociale en faveur des personnes ayant des incapacités instaurées par les États-providence sont la cible de critiques. D’un côté, les personnes ayant des incapacités et les disability studies dénoncent leur fondement paternaliste, les formes de ségrégation et l’oppression qu’elles produisent, entretenant ainsi la dépendance et la passivité de leurs bénéficiaires. De l’autre côté, l’« État social actif » des années 1990 cherche à limiter l’accès à ces mêmes mesures au titre qu’elles incitent les personnes à profiter de la solidarité nationale et entravent leur autodétermination. Ces deux lignes de critiques convergent pour rejeter les formes de protections du côté de l’aliénation et associer l’émancipation à l’exercice de l’autonomie et de la défense des droits, d’un côté, à la responsabilisation individuelle, de l’autre. Une relecture de travaux empiriques concernant deux périodes distinctes du contexte français : l’entre-deux guerres, avec l’émergence des premiers collectifs de personnes handicapées, et les années 1990, marquées par l’instauration de politiques d’activation, permet de mettre en lumière des formes d’agencements entre dispositifs de l’action publique et travail local de care, véritables sources d’émancipation, même s’ils restent fragiles.