2007
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Revue québécoise de droit international ; (2007)
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Pierre Bringuier, « SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET ORDRE JURIDIQUE RÉGULATOIRE : QUELQUES OBSERVATIONS SUR LES CONVENTIONS DU 17 JUIN 1994 ET 5 SEPTEMBRE 1997 », Revue québécoise de droit international / Quebec Journal of International Law / Revista quebequense de derecho internacional, ID : 10.7202/1069048ar
L’étude qui suit se propose d’examiner quelles sont les obligations contractées par la France dans le cadre des conventions sur la sûreté de 1994 et 1997. Entre autres éléments communs, les articles 7 et 8 de la première et 19 et 20 de la seconde convention créent des obligations très semblables : les États parties s’obligent à mettre en place un cadre législatif et réglementaire, d’une part, et à créer ou désigner un organisme de gestion, d’autre part. Si les stipulations définissant le contenu des cadres législatifs et réglementaires ne sont pas identiques, celles prévoyant la création ou la désignation d’un organisme de gestion sont les mêmes d’une convention à l’autre. On peut voir dans cette répétition l’expression d’une nécessaire continuité dans la doctrine de la sûreté qui ne saurait être différente d’un champ à un autre. En 2002, les réformes du secteur nucléaire en France ont donné à penser que les pouvoirs publics considéraient que ces obligations n’allaient pas jusqu’à imposer la création d’une autorité indépendante, délicate dans l’état actuel du droit français. La Loi 2006-686 du 13 juin peut s’analyser sur ce point comme un revirement au moins partiel. La question est donc celle de la portée exacte des stipulations conventionnelles. Il s’agit donc ici de tenter de déterminer si, selon le sens ordinaire des termes employés, les conventions obligent ou non à créer une autorité de sûreté indépendante, auquel cas l’annonce faite par le président de la République ne serait pas autre chose que la mise en oeuvre, par la France, de ses engagements internationaux. On émet ici l’hypothèse que les conventions obligent à mettre en oeuvre un système régulatoire impliquant moins l’indépendance de l’organe que celle de la fonction dont il est investi. Au terme de l’analyse, la conclusion s’impose : c’est bien un « ordre juridique régulatoire » dont les conventions prévoient la mise en place pour assurer la sûreté nucléaire. Comment, dès lors, concilier les exigences juridiques posées par les deux conventions avec celles, contradictoires, du moins potentiellement, du droit français ? C’est cette difficulté que le législateur a incidemment voulu résoudre dans la Loi 2006-686 du 13 juin, en décidant de la mise en place « d’une autorité indépendante chargée du contrôle de la sécurité nucléaire, de la radioprotection et de l’information ».