La théorie de la vitre cassée au Japon : le maillage des réseaux microlocaux par les riverains

Résumé Fr En

La participation de la population à la prévention de la délinquance s’est trouvée encouragée au Japon, notamment depuis les années 1990, sous l’influence de la théorie de la vitre cassée. En regard de l’Amérique du Nord ou de la France, par exemple, force est d’y constater une importance plus marquée accordée à l’éducation morale, à laquelle répond un moindre degré d’encadrement par la police. Reposant sur l’analyse de documents remontant aux années 1970 jusqu’à aujourd’hui ainsi que sur des enquêtes de terrain (observations directes, entretiens semi-directifs), notamment à Tokyo (Shibuya et Suginami), cet article vise à décrire la manière dont les concepts états-uniens furent traduits par divers acteurs (cadres policiers, chercheurs, urbanistes, acteurs de terrain) de sorte que s’effectue un rapprochement entre police et population, le rôle des riverains en matière de maintien de l’ordre s’en trouvant dès lors accru. En effet, au moindre signe jugé problématique, cette nouvelle dynamique amène la population à informer les forces de l’ordre, leur intervention étant de ce fait justifiée. Dans le cas d’un quartier commercial, cet aspect revêt un caractère répressif, tout en étant légitimé par la défense de la prospérité économique locale. Un profilage des individus « à risque » apparaît alors, notamment à l’égard des jeunes adolescents et des étrangers. Dans les quartiers résidentiels, en revanche, la diffusion et la traduction de la théorie de la vitre cassée apparaissent plutôt comme un moyen de mettre en valeur le rôle moral des personnes âgées. Ainsi, en instrumentalisant la notion de société civile, la police parvient à se rapprocher d’une certaine partie de la population.

The participation of the population in the prevention of delinquency has been encouraged in Japan, especially since the 1990s, under the influence of the broken windows theory. In comparison with North America or France, for instance, we observe a marked importance of moral education and a lesser degree of supervision by the police. Based on the analysis of documents since the 1970s as well as on field surveys (direct observations, semi-structured interviews), especially in Tokyo (Shibuya and Suginami), this article aims to clarify the ways in which the American concepts have been translated by various actors (representatives of law enforcement, researchers, urban planners, residents) in order to justify a closer relationship between the police and the population and the increasing role of residents in crime prevention. Indeed, at the slightest sign considered problematic, this new dynamic leads the population to inform the forces of law and order, thus justifying their intervention. In the case of commercial districts, the actors are repressive, while legitimizing their actions by saying that they are defending elements of local prosperity. A profiling of individuals “at risk” then develops, especially with regard to young adolescents and foreigners. Whereas, in residential areas, the broken windows theory appears as a way to highlight the moral role played by elderly persons. Thus, by exploiting the notion of civil society, the police manage to get closer to a certain part of the population.

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