2020
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Revue des Sciences de l’Eau ; vol. 32 no. 4 (2020)
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Moussa Malam Abdou et al., « Regards croisés sur l’évolution de la pénurie d’eau de la ville de Zinder (Niger) de 1900 à nos jours », Revue des sciences de l’eau / Journal of Water Science, ID : 10.7202/1069573ar
Depuis les années 1920, la ville de Zinder est confrontée à une pénurie récurrente d’eau de consommation dont les causes sont diversement interprétées selon les contextes et les périodes. Ce travail propose des regards croisés pour appréhender la profondeur du problème. À partir d’un inventaire de récits étiologiques analysés avec les outils de la mythocritique d’une part, des données hydrométriques et des enquêtes d’autre part, les questions relatives à la production et à la gestion de l’eau, au pessimisme des populations quant à une solution définitive sont étudiées. Les analyses croisées mettent en évidence trois principales explications. D’abord, l’imaginaire populaire enseigne que la pénurie d’eau trouve son explication dans des mythes qui, loin d’être de simples ornements culturels, s’inscrivent dans une perspective de légitimation d’un pouvoir face à des envahisseurs à la peau blanche. Ensuite, l’analyse de débits des forages met en exergue la faible disponibilité de la ressource du fait du soubassement cristallin très peu altéré. Ainsi, sur une quinzaine de forages échantillonnés autour de la ville, la productivité moyenne est de 0,57 m3∙h-1 (±0,47). Soixante pour cent des forages ont un débit inférieur à la moyenne et sont à peine considérés comme productifs. Enfin, les volumes d’eau produits par les stations de pompage sont toujours inférieurs aux besoins croissants des usagers. Les infrastructures hydrauliques réalisées et les arguments scientifiques fournis convainquent de moins en moins les populations quant à la résolution définitive de la pénurie d’eau. De ce fait, selon l’interlocuteur ou l’échelle spatiale d’analyse, la pénurie s’interprète comme une donnée naturelle, économique et sociopolitique. Pour gérer cette pénurie, les structures d’exploitation de l’eau de la ville ont développé des stratégies telles que le délestage, l’utilisation de « bons » d’accès à l’eau et la limitation des branchements.