2018
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Elaine Craig, « Judicial Audiences: A Case Study of Justice David Watt’s Literary Judgments », McGill Law Journal / Revue de droit de McGill, ID : 10.7202/1070286ar
En 2016, le gouvernement du Canada a annoncé des réformes du processus de nomination judiciaire fédéral visant à accroître l’ouverture et la transparence du processus. Dans le cadre de ces changements, tous les candidats à une nomination ou à une promotion au sein de la magistrature fédérale sont tenus de répondre à un nouveau questionnaire. Les candidats sont invités à réfléchir sur le rôle du pouvoir judiciaire dans le système juridique canadien. L’une des questions qui leur est posée est la suivante : « Quelle est l’audience à laquelle s’adressent les décisions rendues par le ou les tribunaux auxquels vous postulez ? » Bien que l’audience des jugements ne soit pas un nouveau sujet de discussion académique et professionnelle, ce récent changement a permis de mieux faire connaître au public l’audience des tribunaux. Presque tous les candidats retenus, parmi ceux dont les réponses sont disponibles, ont mis en évidence trois groupes clés qui devraient être abordés dans chaque décision : les parties, le public et la profession juridique.Les introductions courtes et staccatos dans les décisions du juge David Watt, rédigées depuis son élévation à la Cour d’appel de l’Ontario, ont attiré de l’attention. Ses introductions, qui diffèrent du style conventionnel des décisions judiciaires, ont fait l’objet de blogs juridiques, d’articles de journaux et de louanges et critiques professionnelles. Les décisions qui comportent des écarts stylistiques intentionnels par rapport à la rédaction judiciaire conventionnelle sont parfois appelées des « jugements littéraires ». Ces jugements dits littéraires, y compris ceux rédigés par le juge Watt, soulèvent des questions particulières concernant la notion d’audience judiciaire. Le fait que le juge Watt s’écarte du style conventionnel de la rédaction juridique, notamment en raison des faits macabres et tragiques qui sont impliqués dans nombre des décisions qu’il a rédigées, soulève de nombreuses questions : Quelle est l’audience de ces jugements littéraires ? Les juges écrivent-ils pour un lectorat différent lorsqu’ils rendent des décisions qui s’écartent considérablement du style traditionnel de la rédaction juridique ? Quels sont les risques liés au fait de rendre des jugements littéraires pour des audiences particulières ? Les jugements littéraires du juge Watt s’adressent-ils de manière appropriée et productive aux trois groupes de lecteurs identifiés par les juges eux-mêmes : les parties (au sens large), le public et la profession juridique ? En utilisant les décisions du juge Watt comme une étude de cas, cet article examine la question de l’audience judiciaire dans le contexte des jugements littéraires. L’article se divise en trois sections, chacune consacrée à l’examen des décisions littéraires du juge Watt par rapport à l’une de ces trois audiences.