Air Canada, l’impartition de l’entretien et le déclin de la citoyenneté au travail dans la grande entreprise : un regard sociojuridique

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2020

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Les Cahiers de droit ; vol. 61 no. 3 (2020)

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Michel Coutu et al., « Air Canada, l’impartition de l’entretien et le déclin de la citoyenneté au travail dans la grande entreprise : un regard sociojuridique », Les Cahiers de droit, ID : 10.7202/1071383ar


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Prenant comme point de départ la thèse récente de Harry W. Arthurs qui conclut au déclin inéluctable de la citoyenneté au travail au Canada, les auteurs adoptent à titre heuristique une position inverse selon laquelle la grande entreprise, tout comme le secteur public, demeure un site privilégié d’exercice de cette citoyenneté, vu la forte présence syndicale, la longue pratique de la négociation collective ainsi que l’expérience et la sensibilité des employeurs à l’égard de la gestion des ressources humaines. Faisant partie d’une équipe financée par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), qui réunit des juristes et des sociologues du travail, les auteurs livrent un premier pan de la recherche effectuée sur ce thème, concernant le transporteur Air Canada. Plus précisément, ils ont étudié, sur la base d’une analyse jurisprudentielle et de contenu, la sous-traitance par Air Canada de la fonction d’entretien lourd de ses appareils à Aveos en 2007. Ce sous-traitant, acculé à la faillite, a cessé ses activités en 2012, et l’entretien lourd a été délocalisé par Air Canada. Basée sur une étude longitudinale au sujet d’Air Canada comme employeur depuis sa privatisation survenue en 1988, la recherche met en lumière les transformations de l’entreprise, passant d’une logique de service public à une logique, purement économique, de maximalisation des profits. Dans une perspective relevant du pluralisme juridique et de la sociologie compréhensive du droit, les auteurs s’attachent aux interactions entre les ordres juridiques empiriques en présence, qu’il soit question de l’entreprise Air Canada, de l’acteur syndical, des créanciers externes, du sous-traitant ou des salariés licenciés eux-mêmes, se regroupant dans une association informelle pour défendre leurs droits. Leur étude fait ressortir le contournement du droit par certains de ces acteurs, facilité par l’intervention des autorités publiques, fédérale ou provinciale. Se vérifie ainsi, d’après les auteurs, la proposition voulant que l’impact de l’économie sur le droit (à la faveur, par exemple, de la crise financière de 2008) soit rarement direct et immédiat, et généralement sujet à la médiation du politique. En définitive, les auteurs estiment que l’étude du cas d’Aveos valide la thèse d’Arthurs relative au déclin de la citoyenneté, plutôt que la position contraire, formulée au point de départ à titre heuristique et seulement quant à la grande entreprise. Toutefois, des études plus approfondies seront nécessaires, et ce, en vue de confronter l’historique d’autres grandes entreprises sur le mode comparatif — de même que l’attitude d’Air Canada à l’endroit des employés demeurés à son service — avant qu’une thèse aussi générale puisse être adoptée concernant ce type d’entreprise.

Taking Harry W. Arthurs’ recent arguments about the demise of industrial citizenship in Canada, the authors explore the heuristic position that big companies and the public sector are in fact a privileged site for the exercise of industrial citizenship because of their strong union presence, long history of collective bargaining, and experience with and sensitivity to human resource management. The authors present some initial research on this topic, concerning Air Canada, conducted by a SSHRC-funded team of jurists and labour sociologists. Specifically, the authors performed a case law and content analysis of Air Canada’s outsourcing of heavy aircraft maintenance to Aveos in 2007. In 2012, when Aveos filed for bankruptcy and ceased operations, Air Canada began outsourcing some of its aircraft maintenance work overseas. The authors’ longitudinal analysis of Air Canada as an employer since its privatization in 1988 traces a transformation from the company’s initial public service approach to a purely economic approach of maximizing profit. From the perspective of legal pluralism and of the interpretive sociology of law, the authors focus on the interaction between the empirical legal orders involved, whether for Air Canada, the union, the external creditors, the subcontractor or the laid-off employees themselves, who came together in an informal association to defend their rights. This analysis reveals how some of these parties circumvented the law, assisted by the federal or provincial government. This supports the hypothesis that the impact of economics on law is rarely direct or immediate, and is generally subject to political mediation. Ultimately, the authors conclude that the Aveos case does indeed validate Harry W. Arthurs’ position on the demise of industrial citizenship, rather than the contrary, as was put forth as a heuristic exercise. That said, before a general statement about such a matter can be adopted, further comparison with the history of other large companies is needed, as well as further analysis of Air Canada’s attitude toward the employees who have remained.

Tomando como punto de partida la reciente tesis de Harry W. Arthurs en la que se concluye el declive ineluctable de la ciudadanía del trabajo en Canadá, los autores han adoptado a título heurístico una posición contraria según la cual la gran empresa, así como el sector público se mantenían como lugares privilegiados para el ejercicio de esta ciudadanía, dada la fuerte presencia sindical, la larga práctica de la negociación colectiva, la experiencia y la sensibilidad de la parte patronal con respecto a la gestión de los recursos humanos. En el marco de un equipo financiado por el CRSH que reúne juristas y sociólogos del ámbito laboral, los autores han entregado una primera parte de la investigación llevada a cabo sobre este tema, que concierne la compañía Air Canada. De forma más precisa, los autores han estudiado basándose en un análisis jurisprudencial y de contenido la subcontratación por parte de Air Canada del mantenimiento pesado de sus equipos, confiada a Aveos en el año 2007. Este subcontratista se vio forzado a declararse en quiebra, y cesó sus actividades en el año 2012. Air Canada, por su parte, trasladó el mantenimiento pesado al extranjero. Partiendo de un estudio longitudinal de Air Canada como empleador desde su privatización llevada a cabo en 1988, se han revelado en la investigación las transformaciones en la empresa que van desde una lógica de servicio al público, hasta una puramente económica y de maximización de ganancias. Desde una perspectiva que releva del pluralismo jurídico y de la sociología comprensiva del derecho, los autores se han enfocado en las interacciones existentes entre los diferentes ordenamientos jurídicos empíricos en presencia, independientemente de que se trate de la empresa Air Canada, de la parte sindical, de los acreedores externos, de los subcontratistas o de los propios empleados despedidos, que se han agrupado en una asociación informal para defender sus derechos. El estudio ha puesto de manifiesto cómo se elude el derecho por parte de algunos de estos actores, y que ha sido facilitado por la intervención de las autoridades públicas federales o provinciales. Esto se comprueba con lo planteado por los autores en la proposición según la cual el impacto que tiene la economía sobre el derecho (como por ejemplo, la crisis financiera del año 2008) sea extrañamente directo e inmediato, y generalmente está sujeto a la mediación política. En definitiva, los autores consideran que el estudio del caso Aveos ha comprobado la tesis de Harry W. Arthurs relacionada con el declive de la ciudadanía en lugar de la opinión contraria formulada inicialmente a título heurístico, solamente en lo que concierne la gran empresa. No obstante, se necesitan realizar estudios de mayor profundidad para cotejar el historial de otras grandes empresas a título comparativo — al igual que la postura de Air Canada — con respecto a los empleados que siguen en sus puestos, antes que una tesis tan general relacionada con este tipo de empresas pueda ser adoptada.

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