2020
Ce document est lié à :
Lien social et Politiques ; no. 85 (2020)
Tous droits réservés © Lien social et Politiques, 2020
Kevin Diter, « « L’amour, c’est (pas) de leur âge » : styles d’éducation sentimentale et rapports socialement différenciés des enfants aux sentiments amoureux », Lien social et Politiques, ID : 10.7202/1073741ar
Malgré la prédominance de l’amour dans la vie quotidienne des personnes, on ne connaît pas ou peu de choses sur la manière effective dont l’amour s’impose aux individus dès leur plus jeune âge. Rien n’est dit ou presque de la genèse des sentiments amoureux, laissant ainsi la quasi-totalité de ce champ de recherche aux soins d’autres disciplines scientifiques qui ont tendance à naturaliser cette question. À partir d’une enquête de terrain d’un an réalisée auprès de parents et d’enfants, cet article s’attache à dépeindre les styles d’éducation sentimentale des familles et, plus précisément, leur contenu, leur administration et la façon dont ces derniers varient selon les propriétés sociales des parents. Nous mettons en évidence l’existence de plusieurs formes ou types d’éducation à l’amour qui se situent sur un continuum entre deux pôles idéaux typiques : le premier, la culture des sentiments, se caractérise par un intérêt et un investissement précoces des mères comme des pères pour la vie sentimentale des enfants ; le second est, quant à lui, davantage basé sur le « laisser-faire ». Les parents pensent que l’amour est quelque chose de naturel, qu’il s’agit d’un sentiment (adulte et féminin) qui ne s’apprend pas, mais s’expérimente. Il viendra au moment de l’adolescence et du développement des hormones. Ces différents styles d’éducation sentimentale ne se retrouvent pas au hasard des familles : ils sont socialement situés et dépendent principalement de la définition légitime de l’amour en vigueur dans un milieu social donné, et des normes de genre sur lesquelles elle repose.