2021
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Études françaises ; vol. 57 no. 1 (2021)
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Tomasz Kaczmarek, « François de Curel ou la « dédramatisation du drame » », Études françaises, ID : 10.7202/1076119ar
François de Curel est passé dans l’histoire du théâtre français pour un auteur de « pièces à thèse ». Pourtant, ce dramaturge, qui jouissait à son époque d’une renommée incontestable, suscitait des controverses parmi les partisans et les défenseurs de l’art dramatique traditionnel. De fait, en étudiant ses premières oeuvres, L’envers d’une sainte et L’invitée, force nous est de constater qu’il tourne résolument le dos aux principes régulateurs de la fable hérités d’Aristote. Il renonce à l’action basée sur une tension dramatique qui va de l’exposition, en passant par les péripéties – qui tendent inévitablement à la catastrophe –, au dénouement. À l’instar d’Ibsen, il « dédramatise » la forme canonique à travers la « rétrospection », le renversement du sens de l’intrigue et la présence de « personnages passifs » privés de toute volonté d’agir. Curel semble proposer un « drame statique » dans lequel, au lieu de conflits interpersonnels, nous assistons à des affrontements intrasubjectifs dans la psyché des protagonistes. En abandonnant l’action classique, l’écrivain dépouille ses personnages de « caractère » en se concentrant sur l’analyse psychologique de leur âme égarée. C’est ainsi qu’à la place d’un personnage agissant, il met en avant un personnage réflexif ou récitant, qui ressasse son dégoût de la vie.