2020
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Les ateliers de l'éthique ; vol. 15 no. 1-2 (2020)
© Centre de recherche en éthique de l’Université de Montréal, 2021
Clémence Thébaut et al., « JUSTIFICATIONS PHILOSOPHIQUES DU CRITERE DE FAIR INNINGS ET CONTROVERSES », Les Ateliers de l'éthique / The Ethics Forum, ID : 10.7202/1077529ar
L’arrivée récente de thérapies innovantes et coûteuses dans divers champs thérapeutiques suscite des espoirs importants du point de vue de la santé publique. Offrir un accès équitable à ces innovations entre toutefois en concurrence avec d’autres investissements publics qui font également l’objet d’attentes sociales fortes. Elle contraint donc les acteurs à définir le montant maximum que la collectivité est prête à dépenser pour des gains de santé donnés. Survient alors la question de savoir si ce montant maximum varie en fonction des circonstances qui entourent les individus, notamment la rareté de la maladie, leurs modes de vie, les inégalités sociales qu’ils ont subies tout au long de leur vie... Nous nous intéressons dans le cadre de cet article à une priorité particulière, celle accordée aux populations les plus jeunes et qui est le plus souvent désignée, à la suite des travaux de Harris, sous le terme fair innings. Nous nous demandons ce qui pourrait justifier une telle priorisation. Dans le cadre de cet article nous examinons trois arguments. Dans un premier temps nous proposons de justifier le critère de fair innings au nom d’un objectif d’égalisation des possibilités de bien-être dans la population. Dans un deuxième temps, nous proposons de le justifier au nom d’un objectif d’égalisation du temps offert aux individus pour réaliser leurs plans de vie, conformément à la théorie de la justice comme équité de Rawls. Enfin, nous proposons de le justifier au nom d’un objectif d’égalisation du temps offert aux individus pour accepter la mort. Ces trois arguments présentent bien sûr de nombreuses limites et nous soulignons certaines d’entre elles. L’objectif que nous poursuivons dans cet article n’est pas de convaincre de la supériorité d’un argument par rapport aux autres. Nous cherchons plutôt à contribuer aux discussions sur les critères de priorisation en santé, en explicitant ce qui pourrait justifier un des critères particuliers : celui de l’âge.