2020
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Sens public ; vol. no. (2020)
Droits d'auteur, 2020, PierreSalama
Pierre Salama, « Le Brésil à reculons ? », Sens public, ID : 10.7202/1079473ar
Prévoir un ou plusieurs futurs possibles pour le Brésil est aujourd’hui particulièrement malaisé pour deux raisons : l’une spécifique tient au contexte international particulièrement mouvant, l’autre, au choc politique que le pays connaît depuis l’élection d’un président désirant rompre avec le passé d’une manière particulièrement brutale et très souvent incohérente. La politique économique proposée par le nouveau gouvernement est de plus en plus mal acceptée, que ce soit par le Congrès ou par la population. Elle se présente parfois de manière incohérente par des déclarations intempestives soit de proches du président (famille, conseillers), soit de ministres incompétents en opposition avec celle du ministre de l’Économie ou bien du vice-président. Elle souffre d’un déficit de rationalité (Habermas), c’est-à-dire d’une incapacité à mettre en œuvre un programme économique controversé conduisant à une politique libérale certes, mais boiteuse. Il est possible que les réformes telles qu’elles ont été prévues ne puissent être mises en œuvre et que les conflits d’intérêts aboutissent à des réformes profondément édulcorées. Des « cris d’alarme » parsèment déjà les journaux financiers. Son taux de croissance est très faible et chaque jour qui passe est annonciateur d’une révision à la baisse de la croissance. Le déficit de rationalité augmente, jusqu’où ira-t-il ? L’impeachment du vice-président appuyé par les militaires, le départ du président appuyé par les sectes religieuses ? Le retour des gauches ? La pandémie et ses conséquences économiques, sociales et politiques accentuent les contradictions. Comme l’écrit le journal Folha de Sao Paulo le 21 mai 2020: « Jair Bolsonaro se compraz em apostar no caos » et le Financial Times le 25 mai: « Jair Bolsonaro’s populism is leading Brazil to disaster ».