2021
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TTR : Traduction, terminologie, rédaction ; vol. 34 no. 1 (2021)
© BriceDenoyer et BriceDenoyer, 2021 2021
Brice Denoyer, « L’alexandrin dans la tragédie humaniste en France au XVIe siècle : un choix politique », TTR: Traduction, terminologie, rédaction, ID : 10.7202/1081494ar
L’alexandrin est indissolublement lié au succès du théâtre français classique. Le caractère d’évidence qui semble les réunir n’a pourtant rien de naturel, et cette relation s’inscrit en réalité dans une historicité où le politique a une part prépondérante. Nombre de mystères demeurent lorsque l’on essaye d’expliquer pour quelle raison les dramaturges du XVIe siècle ont favorisé ce vers alors peu usité, et réservé auparavant à des usages très spécifiques – hormis durant une période où il fut à la mode, vers le XIIIe siècle, pour le genre épique. Fortement lié à la traduction et à la réappropriation de l’héritage théâtral antique, le choix de l’alexandrin a aussi une indéniable portée politique : vers prestigieux d’abord, par sa rareté comme par ses usages, il devient en outre associé, au cours du XVIe siècle, à la réinvention du modèle de tragédie à l’antique. Du fait de son prestige, il devient facilement le vers par excellence des personnages puissants, dont le statut social ne saurait être représenté sur scène que dans une parole « altiloque », comme le dit Ronsard, dont l’alexandrin devient le vecteur évident. Les auteurs ne cesseront, au fur et à mesure que le siècle se déroule, de jouer des parallélismes qui peuvent exister entre les discours expressément politiques et les tragédies (en témoignent par exemple les liens poétiques et politiques reliant chez Garnier l’Hymne à la monarchie et plusieurs de ses pièces) : là encore, ils se réapproprient les exigences de la rhétorique antique, sans ignorer que de telles exigences valent pour une parole publique dont la portée politique n’est pas à mésestimer. Dès lors, l’utilisation de plus en plus constante de l’alexandrin comme vers du dialogue tragique devient une métaphore parfaite de la complexité de la chose politique, mise en scène alors comme une somme fragmentaire de discours antithétiques, faisant du politique un objet de représentations (dans tous les sens du terme) et de débats.