2021
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TTR : Traduction, terminologie, rédaction ; vol. 34 no. 1 (2021)
© JaneElisabethWilhelm, 2021
Jane Elisabeth Wilhelm, « Traduire la liberté. La démocratie libérale selon Benjamin Constant », TTR: Traduction, terminologie, rédaction, ID : 10.7202/1081501ar
Benjamin Constant est l’un des premiers grands penseurs de la démocratie libérale. Il joua un rôle de premier plan dans la vie politique et intellectuelle de son époque, à une période charnière pour l’avenir de l’Europe. Son héritage politique est d’une rare envergure et il est aussi l’auteur d’un chef-d’oeuvre d’analyse psychologique, le roman Adolphe (1816). Loin d’être seulement une doctrine politique et économique, le libéralisme apparaît désormais comme l’un des courants originels de la politique moderne, consubstantiel à la démocratie. En Europe, les origines du libéralisme politique, représentées par Benjamin Constant, Mme de Staël et leurs amis, le « Groupe de Coppet », sont étroitement liées à la circulation des idées et au cosmopolitisme, aux échanges culturels et à la pratique du traduire. La traduction à Coppet peut ainsi se comprendre au sens strict de transfert linguistique d’une langue à l’autre, comme au sens plus large d’interprétation ou d’herméneutique selon Paul Ricoeur, qui invoque le paradigme de l’hospitalitélangagière. C’est autour du cercle de Coppet, au sein duquel se déploie une intense activité de traduction et d’interprétation, que s’élaborent les catégories politiques, littéraires et esthétiques à l’entrée dans l’âge démocratique. Dans la distinction restée célèbre qu’il développera entre la liberté des Anciens et celle des Modernes, Constant s’attachera à traduire, en politique et dans les institutions, l’irréductible différence de la modernité, à savoir le principe individuel né de la Révolution. En favorisant le libre commerce des idées et les échanges avec l’étranger, la traduction, tant au sens large qu’au sens restreint, permet non seulement la diffusion des idées politiques du libéralisme, mais illustre également la nécessité de la différence et de l’altérité comme composantes essentielles de la démocratie libérale.