2021
Ce document est lié à :
Revue générale de droit ; vol. 51 (2021)
© Faculté de droit, Section de droit civil, Université d'Ottawa, 2022
Christine Vézina, « Aide sociale et droits de la personne : regard sur la relation entre le législateur québécois et les tribunaux, ou la faille du constitutionnalisme », Revue générale de droit, ID : 10.7202/1085794ar
Par ses réponses à la pauvreté, le législateur québécois s’inscrit en rupture avec les droits garantis dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifié par le gouvernement du Québec en 1976. L’analyse des régimes d’aide sociale, adoptés successivement depuis plus de 50 ans, l’atteste. En passant d’une approche fondée initialement sur le principe d’un droit à l’aide sociale à celle de « l’activation » des régimes, qui repose sur l’employabilité, les sanctions et la conditionnalité, l’aide sociale semble davantage ancrée dans les valeurs néolibérales que dans les droits des personnes en situation de pauvreté. Ce grand écart entre l’aide sociale et les droits a pourtant été validé par la Cour suprême du Canada en 2002, dans la décision Gosselin. À cette occasion, la Cour s’est abstenue de fixer des balises et, de ce fait, a laissé le champ libre au législateur. Ces positions respectives des pouvoirs législatif et judiciaire, analysées ici à travers le prisme du principe d’une responsabilité partagée à l’égard de la protection et de la promotion des droits constitutionnels, ont pour effet de confiner les personnes en situation de pauvreté dans un espace en dehors des droits, ce qui révèle une faille du constitutionnalisme. Cette situation met au grand jour la réalité crue que refusent de reconnaître celles et ceux qui continuent à croire qu’il incombe au seul législateur de mettre en oeuvre les droits économiques et sociaux, comme le droit à un niveau de vie suffisant : la toute-puissance du législateur n’est pas un vecteur d’effectivité des droits des personnes en situation de pauvreté.