Esquiver le stigmate lié à l’avortement : le « travail d’invisibilisation » comme renforcement du travail procréatif

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2021

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Enfances, Familles, Générations ; no. 38 (2021)

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Laurine Thizy, « Esquiver le stigmate lié à l’avortement : le « travail d’invisibilisation » comme renforcement du travail procréatif », Enfances, Familles, Générations, ID : 10.7202/1086957ar


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Cadre de la recherche : Partant du constat que l’avortement demeure une pratique stigmatisée, cet article analyse les stratégies d’invisibilisation mises en place par les femmes ayant avorté d’une première grossesse afin de contourner la stigmatisation. Objectif : Cet article montre comment le « travail d’invisibilisation » mis en place par les avortées (gestion du secret, dissimulation des signes de grossesse, du parcours de soin et de l’avortement…) renforce le travail procréatif assigné aux femmes. En cela, il contribue à reproduire des asymétries genrées. Méthodologie : Les données utilisées sont issues d’entretiens semi-directifs menés en France auprès de femmes entre 17 et 38 ans ayant avorté d’une première grossesse (n=49). Elles sont complétées par des observations ethnographiques dans plusieurs centres d’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) français. Résultats : Dans le cadre d’une première grossesse interrompue, le dévoilement de l’avortement se réalise dans un entre-soi féminin, principalement auprès des amies et des mères des avortées. Les partenaires sexuels sont des soutiens d’autant plus ambigus que la relation de couple n’est pas établie. L’invisibilisation de l’avortement se traduit par des stratégies de justification alternative des absences au travail comme à l’école, pour préserver l’intimité et éviter une stigmatisation sexuelle et contraceptive. Dans l’espace domestique, la dissimulation, plus rare, s’avère difficile : elle suppose de masquer les signes de grossesse et les traces du parcours de soin. La prise en charge médicale de l’avortement expose quant à elle à une stigmatisation de l’échec contraceptif. Conclusion : Se prémunir de la stigmatisation de l’avortement peut être nécessaire pour éviter le discrédit des avortées. Le travail d’invisibilisation varie selon les caractéristiques sociales des avortées (âge, situation conjugale) et les motifs de la stigmatisation (sexualité, représentation du fœtus, échec contraceptif). Contribution : Cet article contribue à l’analyse internationale de l’abortion stigma en le resituant dans une perspective matérialiste attentive au travail procréatif accompli par les femmes. Il montre également les spécificités de la stigmatisation abortive en France.

Research Framework : Given that abortion remains a social stigma, this paper analyzes how women who experiment a first pregnancy termination use invisibilization strategies to avoid stigma. Objectives : We show how the “invisibilization labour” developed by women who have had an abortion (management of secrecy, concealment of the signs of pregnancy, of the care process and of the abortion...) strenghtens the procreative labour to which women are assigned. In this way, this “invisibilization labour” contributes to the reproduction of gendered asymmetries. Methodology : Data were collected by a combination of semi-structured interviews with women aged from 17 to 38, whose first pregnancy resulted in an abortion (n=49), and also of ethnographical observations in several abortion centers in France. Results : Making abortion invisible means controlling speech. Abortion disclosure occurs with female peers, such as friends or mothers for the younger ones. Sex partners are ambiguous allies, especially when the relationship is unstable. It also means controlling action by justifying absences from work and school in order to avoid sexual stigma. At home, concealing abortion is not so easy, because it is difficult to hide pregnancy symptoms and signs of medical care. In hospitals, the abortion stigma rather stems from contraceptive failure. Conclusion : To protect themselves from abortion stigma, women who had their pregnancy terminated implement an “invisibilization labor”. The particular form taken by that labor depends on the woman’s social characteristics (age, marital status) and the types of stigma (sexuality, representation of the fetus, contraceptive failure). Contribution : Viewed from the perspective of materialist gender sociology, this paper contributes to the analysis of abortion stigma that puts emphasis on women’s reproductive labour.

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