2021
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Santé mentale au Québec ; vol. 46 no. 2 (2021)
© Département de psychiatrie de l’Université de Montréal, 2022
Marc-André Roy et al., « De Kraepelin à McGorry : vision scientifique et récit expérientiel autour d’un changement de paradigme majeur », Santé mentale au Québec, ID : 10.7202/1088177ar
Objectifs Jusqu’au début des années 1990 prévalait une vision pessimiste des troubles psychotiques, nourrie par la perspective kraepelinienne. L’intervention précoce a alors introduit un nouveau paradigme, abordant les psychoses comme un phénomène plus malléable, pour lequel le rétablissement est possible, pour peu qu’on utilise une approche appropriée. Ce paradigme n’ayant pas pénétré tous les champs de la psychiatrie, les professionnels commençant en intervention précoce vivent parfois un véritable choc culturel, l’objectif de cet article étant d’en cartographier les contours, afin de faciliter cette transition.Méthodes Sur la base de leur connaissance de la littérature et leur expérience clinique, les auteurs font ressortir les aspects qui distinguent la pratique de l’intervention précoce de la pratique traditionnelle avec les troubles psychotiques. Ils adoptent une approche expérientielle de ces thématiques, les abordant non seulement à la lumière de la littérature scientifique, mais aussi et surtout à la première personne du singulier.Résultats Les aspects identifiés, et qui ont fait consensus entre les trois auteurs, ont été regroupés selon 7 thématiques : 1. L’adoption d’une pratique axée sur le rétablissement et le rejet de la vision pessimisme des troubles psychotiques, qui recentrent la pratique sur les objectifs de vie de la personne, ceci s’accompagnant d’un style d’approche différent ; 2. La transdisciplinarité et le métissage des expertises, que ce soit avec les autres membres des équipes, les organismes communautaires et les familles, ce qui nécessite humilité et ouverture ; 3. Les changements quant à l’approche pharmacothérapeutique, caractérisée par une attention accrue aux effets indésirables, l’utilisation de doses moins élevées, une utilisation proactive de la clozapine et l’utilisation fréquente des antipsychotiques injectables à longue action ; 4. La nécessité de tolérer une certaine incertitude diagnostique eu égard aux difficultés à poser un diagnostic précis, et la présence de comorbidités complexes qui viennent brouiller le tableau ; 5. La pression liée à la période critique, caractérisée par des enjeux importants, tel le risque de suicide ou de désinsertion sociale, qui entraînent une pression sur le clinicien ; 6. L’importance des relais dans la trajectoire de soins, notamment entre la psychiatrie de l’adolescence et celle des adultes, puis entre l’intervention précoce vers d’autres services ; 7. La résistance au changement à laquelle fait parfois face l’intervention précoce, son importance n’étant pas toujours reconnue, et son implantation pouvant bousculer les services en place.Conclusion Les différences entre le mode traditionnel de pratique auprès des personnes composant avec un trouble psychotique et celui de l’intervention précoce sont multiples ; si elles représentent autant de défis, elles sont aussi des sources de stimulation et de satisfaction considérables.